Rechtmäßige Publikation zum 50. Geburtstag von Caroline von Hannover

Gericht

LG Paris


Art der Entscheidung

Urteil


Datum

30. 06. 2008


Aktenzeichen

07/05955


Entscheidungsgründe

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français


EXTRAIT
des minutes du Greffe


TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

DE

PARIS


EXPÉDITION EXÉCUTOIRE


Maître: ...

S.C.P.

VESTIAIRE N° ...


TRIBUNAL
DE GRANDE
INSTANCE
DE PARIS

17ème Ch.
Presse-civile

N° RG:
07/05955

AMS

Assignation du:
25 Avril 2007


MINUTE N° 2


République française
Au nom du Peuple français


JUGEMENT
rendu le 30 Juin 2008


DEMANDERESSE

...

DEFENDERESSE

Société BUNTE ENTERTAINMENT VERLAG GmbH
Arabella Strasse 23
81925 MUNICH
ALLEMAGNE

représentée ...


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Magistrats avant participé aux débats et au délibéré

Nicolas BONNAL, Vice-Président
Président de la formation

Anne-Marie SAUTERAUD, Vice-Président
Alain BOURLA, Premier-Juge
Assesseurs

assistés de Viviane RABEYRIN, Greffier


DEBATS

A l'audience du 26 Mai 2008
tenue publiquement


JUGEMENT

Mis à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort


Vu l'assignation du 25 avril 2007 et les dernières conclusions du 6 mars 2008, aux termes desquelles ... demande au tribunal, au visa de l'article 9 du code civil:
- de dire que la publication, dans le numéro 4 du magazine ... daté du 18 janvier 2007, de l'article intitulé ... et illustré de photographies porte atteinte à sa vie privée ainsi qu'à son droit à l'image,
- de condamner la société de droit allemand ..., éditrice de cette revue en langue allemande, à lui verser la somme de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement, "notamment en ce qui concerne les mesures de publication",
- de lui accorder la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 mars 2008 par la société ...:
- à titre principal, au visa de l'article 5-3 du Règlement CE 44/2001 et de l'article 31 du code de procédure civile, invoque la délimitation de la compétence territoriale du tribunal de grande instance de PARIS et l'irrecevabilité de la demande, faute d'intérêt légitime à choisir cette juridiction,
- subsidiairement sollicite le débouté des prétentions adverses, en raison de l'applicabilité et de l'application du droit allemand,
- fait plus subsidiairement valoir, en cas d'application du droit français, que les atteintes ne sont pas caractérisées, que la demanderesse n'a subi en France aucun préjudice certain et que l'indemnisation de celui-ci ne saurait excéder 48,46 € (pour 1.392 exemplaires diffusés dans ce pays),
- en toute hypothèse, réclame le paiement de la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles,


Sur la compétence limitée et la recevabilité de la demande:

Attendu que les dispositions applicables au présent litige sont celles prévues par le "RÈGLEMENT (CE) N° 44/2001 DU CONSEIL (DE L'UNION EUROPÉENNE) du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale", dont l'article 5 prévoit qu’"une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre:
[...]
3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire"
;

Attendu, en l'espèce, que la demanderesse se plaint d'atteintes à sa vie privée et à son droit à l'image par voie de presse et fonde principalement son action sur l'article 9 du code civil, le présent litige relevant ainsi de la "matière délictuelle ou quasi délictuelle" au sens du Règlement susvisé;

Attendu que le "lieu où le fait dommageable s'est produit" peut s'entendre du lieu où le dommage est survenu et du lieu de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage; qu'en matière de presse, cet événement causal, constitué par l'édition du support litigieux, peut permettre au demandeur de réclamer la réparation de l'intégralité des dommages devant le tribunal du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication, tandis que le lieu où le dommage est survenu est celui de la diffusion, le tribunal étant alors compétent pour connaître des seuls dommages causés dans l'Etat de la juridiction saisie;

Attendu, en conséquence, que le magazine en cause étant édité en Allemagne, mais également diffusé en France et plus particulièrement à PARIS, ce qui est justifié par la production d'un ticket d'achat et ce qui est, d'ailleurs, non contesté, ce tribunal est compétent pour réparer le seul préjudice subi du fait de la diffusion sur le territoire français, point sur lequel les deux parties s'accordent;

Attendu, toutefois, que la défenderesse soutient que l'exercice de l'option de compétence ainsi offerte doit être limité par la réserve de l'abus du choix du for, lorsque le choix du demandeur n'est dicté que par la volonté de parvenir à un résultat différent de celui qu'il aurait obtenu s'il avait saisi la juridiction compétente devant laquelle il a porté auparavant à de multiples reprises des demandes très similaires, à savoir les tribunaux allemands, et que la demande est donc irrecevable faute d'intérêt sérieux et légitime à choisir de saisir le tribunal de grande instance de PARIS;

Attendu que la demanderesse répond qu'elle a un intérêt légitime à poursuivre toutes les publications françaises comme étrangères, de façon à ne pas laisser croire qu'elle ferait preuve de complaisance et parce que les publications françaises ont tendance à reprendre les reportages publiés dans la presse étrangère;

Attendu que la défenderesse, société de droit allemand qui souligne qu'elle édite -entre autres- le magazine de langue allemande BUNTE, publié en Allemagne à environ 800.000 exemplaires, alors que le numéro litigieux a été diffusé en France à 1.392 exemplaires, ne démontre cependant pas que le choix de saisir la juridiction française serait abusif, de sorte que la demanderesse serait dépourvue d'intérêt légitime à agir en France dès lors:
- que les principes de droit et l'évolution jurisprudentielle tant en France qu'en Allemagne (évolution dans ce dernier pays, telle que retracée dans les conclusions en défense à la suite de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 24 juin 2004 et de l'arrêt de la Cour fédérale de justice allemande du 6 mars 2007) n'aboutissent pas à des résultats très différents dans l'appréciation des atteintes au droit à l'image et à la vie privée,
- qu'il n'est pas abusif de saisir la juridiction française d'une action réduite à la réparation du préjudice subi en France, limitation admise par la demanderesse dans ses conclusions,
- qu'il importe peu que cette dernière n'ait pas diminué la somme réclamée initialement dans son assignation à hauteur de 80.000 €, manifestement très élevée pour une diffusion limitée à 1.392 exemplaires, puisque que l'évaluation du préjudice est laissée à l'appréciation du juge, qui l'estime de manière concrète, compte tenu du contenu et de l'ampleur de la publication en cause, comme des éléments spécialement invoqués et établis;

Attendu que les demandes sont donc recevables;


Sur la loi applicable:

Attendu que la défenderesse fait valoir que la règle de conflit française désigne applicable à l'espèce la loi allemande du lieu de l'établissement de l'éditeur qui est aussi celle du pays vers lequel est focalisée la publication;

Attendu que la demanderesse indique notamment que la diffusion, augmentée par l'annonce de l'article en couverture du magazine, dans un pays où elle est la cible favorite de la presse à scandales, lui cause un préjudice spécifique qui constitue un lien de rattachement suffisant;

Attendu que sauf conventions internationales contraires, les obligations extra contractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance; que le lieu où le fait dommageable s'est produit s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier; que lorsque le lieu de réalisation du dommage est fortuit, il convient de rechercher le lieu du fait générateur;

Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce et que la loi française est applicable à l'action en réparation d'atteintes à la vie privée et au droit à l'image exercée pour obtenir l'indemnisation du seul dommage subi en France, à la suite de la diffusion d'articles dans un magazine que la société éditrice a délibérément choisi de publier dans ce pays;


Sur la publication litigieuse:

Attendu que dans son numéro 4 daté du 18 janvier 2007, le magazine en langue allemande BUNTE a publié un reportage annoncé sur la totalité de la page de couverture sous le titre (traduit en français) ...;

Attendu que le sujet est développé en pages 26 à 38; qu'à l'occasion du cinquantième anniversaire de la demanderesse, l'article intitulé ... retrace les principaux événements de sa vie à travers la reproduction de 41 photographies de formats variés, montrant la demanderesse à diverses périodes de sa vie et évoquant notamment son enfance et son adolescence, ses relations sentimentales et conjugales, ainsi que ses enfants; que suit un texte publié sur quatre colonnes sous le titre (selon la dernière version de la traduction proposée en demande) "... sa vie est un vrai conte de fées", la demanderesse indiquant que l'article analyse sa personnalité réelle ou supposée, revient sur sa vie sentimentale ou encore ses relations avec ses parents, et précisant que "cette liste n'est bien entendu pas exhaustive";


Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l'image:

Attendu que la demanderesse soutient principalement:
- que son anniversaire ne constitue pas un fait d'actualité,
- que les clichés, qu'il s'agisse de photographies officielles ou d'images volées, portent tous atteinte à son droit à l'image dès lors qu'il sont publiés ou republiés sans son autorisation, les clichés "officiels", posés ou pris lors de fonctions de représentation étant détournés de leur contexte,
- que le texte de l'article est tout autant fautif en ce qu'il évoque des éléments relevant traditionnellement de l'intimité de la vie privée: vie sentimentale, caractère, relations familiales, aspirations réelles ou supposées;

Attendu que la société défenderesse répond en particulier:
- que chaque cliché pris lors de fonctions de représentation est replacé dans son contexte par la légende qui l'accompagne,
- que certaines photos posées ont été vendues à la presse,
- que l'article ne contient que des éléments révélés par la demanderesse, de notoriété publique, légitimes ou anodins;

Attendu qu'en vertu de l'article 9 du code civil et à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée, quelle que soit sa notoriété; qu'elle est fondée, par principe, à en obtenir la protection en fixant elle-même les limites de ce qui peut être divulgué et publié à ce sujet; que certains faits ou circonstances, liés à des événements d'actualité, peuvent toutefois être légitimement publiés en raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression, dès lors qu'il s'agit d'une information légitime concernant un sujet d'intérêt général;

Attendu, par ailleurs, que la diffusion d'informations anodines ou déjà notoirement connues du public n'est pas constitutive d'atteinte au respect de la vie privée;

Attendu que, de même, toute personne dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif, qui lui permet en principe de s'opposer à sa diffusion sans son autorisation;

Attendu que, si un anniversaire ne constitue pas en soi un événement d'actualité, il est cependant possible de rappeler à cette occasion, notamment pour un cinquantième anniversaire, les grands événements ayant marqué la vie d'une personne appartenant doublement, de par sa naissance et son dernier mariage, à une famille princière, même si cette personne n'exerce pas personnellement des fonctions effectives de souveraineté; qu'il est d'autant plus légitime, pour un magazine allemand, de se livrer à ce rappel des principaux points de la biographie d'une personnalité que celle-ci a épousé un membre d'une ancienne famille royale allemande; qu'il en est ainsi des principaux éléments d'état civil évoqués, publics et notoires, touchant aux naissances, mariages, divorce et décès de proches;

Attendu que les photographies posées ou prises lors de manifestations publiques ou officielles ne portent pas atteinte au droit à l'image de la personne représentée, dès lors qu'elles constituent une illustration légitime des principales étapes de la vie de la ... dont l'évocation n'a pas été jugée fautive;

Attendu, en outre, que la demanderesse poursuit de façon plus générale l'ensemble des photographies et de l'article comme attentatoires à son droit à l'image et à sa vie privée; qu'elle invoque des "éléments relevant traditionnellement de l'intimité de la vie privée: vie sentimentale, caractère, relations familiales, aspirations réelles ou supposées", mais sans préciser lesquels ni citer les propos qui seraient spécialement poursuivis à cet égard, ce qui empêche le tribunal d'apprécier au cas par cas leur éventuel caractère notoire ou anodin;

Attendu que, de même, elle fait allusion à des "images volées" et à certains "clichés (page 34) représentant des moments de tendresse" qu'elle "ne souhaitait nullement voir publier, notamment par égard pour son mari le ... et ses enfants"; que ces seules explications, à défaut de précisions supplémentaires, ne permettent pas davantage au tribunal de déterminer quelles photographies seraient "volées" ni de juger si les divers clichés constituent une illustration légitime ou non;

Attendu que dès lors qu'il n'est pas soutenu que la demanderesse se plaindrait de révélations particulières et qu'aucun cliché n'apparaît manifestement pris au téléobjectif ou à l'occasion de moment spécialement intimes, les atteintes globalement invoquées ne sont pas caractérisées en l'état, s'agissant pour l'essentiel d'une rétrospective d'éléments notoirement connus;


Sur les autres demandes :

Attendu que des raisons tirées de considérations d'équité conduisent en l'espèce à rejeter les demandes formées de part et d'autre en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que l'exécution provisoire n'est pas compatible avec le sens des présentes décisions;


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,


SE DÉCLARE COMPÉTENT en ce qui concerne les seuls préjudices subis du fait de la diffusion en France du magazine BUNTE,

DÉCLARE ... épouse de ... recevable, mais mal fondée en ses demandes,

L'EN DÉBOUTE en l'état,

DÉBOUTE la société BUNTE ENTERTAlNMENT VERLAG GmbH du surplus de ses demandes,

CONDAMNE ... épouse de .... aux dépens, qui pourront être recouvrés par Me Michel WOLFER, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 30 Juin 2008

Le Greffier

Le Président


EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire:

...

contre

...


EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne:

A tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,

Aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance d'y tenir la main,

A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous Greffier en Chef soussigné au Greffe du Tribunal de Grande Instance de Paris


Le Greffier en Chef

Rechtsgebiete

Presserecht