Schweiz: Verwechslungsgefahr zwischen SPEEDMASTER und SPEEDPILOT für Uhren

Gericht

Schweizerisches Bundesverwaltungsgericht


Art der Entscheidung

Entscheidung


Datum

05. 03. 2013


Aktenzeichen

B-3371/2012


Tatbestand


Faits:

A.
L'enregistrement de la marque internationale No 1054009 "SPEEDPILOT" (ci-après : la marque attaquée) a été publié dans la Gazette OMPI des marques internationales No42/2010 du 11 novembre 2010. Cette marque revendique la protection en Suisse pour les produits suivants :

Classe 14 : Montres

B.
Le 1er mars 2011, Omega SA (ci-après : l'opposante) a formé opposition totale à l'encontre de l'enregistrement précité devant l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle IPI (ci-après : l'autorité inférieure) en se fondant sur sa marque suisse No 2P-287422 "SPEEDMASTER" (ci-après : la marque opposante), enregistrée pour les produits suivants :

Classes 9, 14 : Montres et autres pièces d'horlogerie, mouvements et boîtes de montres, cadrans, fournitures d'horlogerie, appareils et instruments à mesurer et marquer le temps, compteurs et appareils pour le chronométrage sportif

A l'appui de son opposition, l'opposante a fait valoir que les produits couverts par les marques en présence étaient identiques et les signes similaires. Aussi, attendu que le terme "SPEED" possédait une force distinctive normale par rapport à des produits horlogers et que sa marque était en outre très connue en Suisse, elle a considéré qu'il existait indéniablement un risque de confusion entre lesdites marques.

C.
Par décision du 23 mai 2012, l'autorité inférieure a rejeté dite opposition. Relevant tout d'abord que les produits revendiqués par les marques devaient être qualifiés d'identiques, elle a ensuite constaté que celles-ci concordaient sur leur premier terme "SPEED". Le deuxième mot était quant à lui différent dans chaque signe ; les termes "MASTER" et "PILOT" ne présentant même aucune similitude sur les plans visuel, phonétique et sémantique. Sur ce dernier point, elle a relevé que "MASTER" consistait en un élément laudatif et non protégeable en soi, alors que "PILOT" désignait un pilote. Considérant ensuite que le mot "SPEED" jouissait d'un caractère distinctif faible en relation avec des montres, elle a estimé que la seule reprise de cet élément ne saurait fonder un risque de confusion, alors que la partie restante et importante des signes présentait une différence marquante.

D.
Par écritures du 22 juin 2012, Omega SA (ci-après : la recourante) a recouru contre dite décision auprès du Tribunal administratif fédéral en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que l'opposition formée devant l'autorité inférieure soit déclarée bien fondée.

A l'appui de ses conclusions, elle relève que les signes en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique, compte tenu notamment de leur concordance sur le mot "SPEED". Elle considère également qu'il existe une similitude évidente des signes sur le plan sémantique, dès lors que les marques évoquent immédiatement la même association d'idées et véhiculent le même concept : la marque "SPEEDMASTER" évoquant un champion, un maître de vitesse et la marque "SPEEDPILOT", un pilote de vitesse, soit également un champion de vitesse. Elle ajoute que dite association se fera d'autant plus facilement que la marque "SPEEDMASTER" est depuis des années étroitement associée au sport automobile, à la Formule 1 et donc au terme "pilote", attendu que Michael Schumacher a été l'ambassadeur de la marque "SPEEDMASTER" pendant 15 ans. Elle relève qu'en tous les cas, les marques n'ont pas un sens différent à ce point frappant qui permettrait de contrebalancer les ressemblances visuelle et auditive. De même, elle considère que, pris isolément, les vocables "MASTER" et "PILOT" possèdent des significations proches, voire similaires dès lors qu'ils sont répertoriés dans certains dictionnaires comme étant des synonymes. S'appuyant ensuite sur deux décisions déjà rendues ayant impliqué la marque opposante, la recourante relève qu'il en ressort que le mot "SPEED", associé à des montres, revêt une force distinctive normale. Aussi, elle considère que l'autorité inférieure ne pouvait, comme elle l'a fait en l'espèce, s'écarter sans raison sérieuse valable et sans motivation convaincante de cette jurisprudence. Elle invoque encore la notoriété de sa marque, exposant que la "SPEEDMASTER" est devenue une montre légendaire en particulier du fait qu'elle est la seule montre "officielle" à avoir été portée sur la lune ; qu'elle est utilisée par elle de manière continue depuis plus d'un demi-siècle et qu'elle est actuellement partie prenante au projet "Solar Impulse", de sorte qu'elle bénéficie d'un champ de protection accru. Ceci étant, elle considère que, la marque attaquée ne créant pas une impression d'ensemble bien distincte de la marque opposante, il en résulte un risque de confusion du public suisse.

E.
Invitée à se prononcer sur le recours, l'autorité inférieure en a proposé le rejet au terme de sa réponse du 20 août 2012 en renvoyant à la motivation de la décision attaquée.

F.
Egalement invitée à se prononcer sur le recours, Epoch Stockholm AB (ci-après : l'intimée), titulaire de la marque attaquée, n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti.

Les arguments avancés de part et d'autre au cours de la procédure seront repris plus loin dans la mesure nécessaire.

Entscheidungsgründe


Droit:

1.
Le Tribunal administratif fédéral est compétent pour statuer sur le présent recours (cf. art. 31, 32 et 33 let. e de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS 173.32] et art. 5 al. 2 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA, RS 172.021]). La qualité pour recourir doit être reconnue à la recourante (cf. art. 48 al. 1 PA). Les autres conditions de recevabilité sont en outre respectées (cf. art. 11, 50 al. 1, 52 al. 1 et 63 al. 4 PA).

Le recours est ainsi recevable.

2. 2.1 A teneur de l'art. 3 al. 1 let. c de la loi sur la protection des marques du 28 août 1992 (LPM, RS 232.11), sont exclus de la protection les signes similaires à une marque antérieure et destinés à des produits ou services identiques ou similaires, lorsqu'il en résulte un risque de confusion.

Selon le Tribunal fédéral, la fonction principale et le but de la marque sont de distinguer une marchandise particulière de marchandises identiques ou similaires, de manière à ce qu'une individualisation de cette marchandise et même de son fabricant soit rendue possible (cf. ATF 119 II 473 consid. 2c Radion). Il y a risque de confusion lorsqu'un signe plus récent porte atteinte à la fonction distinctive d'une marque antérieure. Telle atteinte existe lorsqu'il faut craindre que les milieux intéressés seront induits en erreur par la ressemblance des signes et que les marchandises portant l'un ou l'autre signe seront associées au faux détenteur de la marque (risque de confusion direct). Une atteinte existe aussi lorsque le public distingue les deux signes mais présume, en raison de leur ressemblance, de l'existence de rapports qui n'existent pas, notamment en pensant à des marques de série qui désignent différentes lignes de produits provenant de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées entre elles (risque de confusion indirect) (cf. ATF 128 III 441 consid. 3.1 Appenzeller, 122 III 382 consid. 1 Kamillosan).

2.2 L'appréciation du risque de confusion ne s'effectue pas en comparant abstraitement les signes, mais en prenant en considération toutes les circonstances du cas concret (cf. ATF 122 III 382 consid. 1 Kamillosan). Il convient de tenir compte de la similarité aussi bien des signes que des produits ou des services pour lesquels ils sont enregistrés. Ces deux éléments s'influencent réciproquement, en ce sens que les produits ou les services doivent d'autant plus se différencier que les signes sont similaires et vice versa (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral [TAF] B-4260/2010 du 21 décembre 2011 consid. 5.1 Bally/BALU [fig.] ; Lucas David, in : Heinrich Honsell/Nedim Peter Vogt/Lucas David [éd.], Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Markenschutzgesetz / Muster- und Modellgesetz, 2e éd., Bâle 1999, N° 8 ad art. 3).

L'examen de l'existence d'un risque de confusion suppose également d'examiner l'attention dont les consommateurs font ordinairement preuve lorsqu'ils entendent se procurer les produits ou services en cause et de s'interroger sur la force distinctive de la marque, celle-là étant décisive pour déterminer l'étendue de la protection de la marque opposante (cf. Gallus Joller in : Michael G. Noth/Gregor Bühler/Florent Thouvenin [éditeurs] Markenschutzgesetz [MSchG], Berne 2009, No 45 ad art. 3 ; arrêt du TAF B-7352/2008 du 17 juin 2009 consid. 7 Torres/Torre Saracena).

3.
Il s'agit dans un premier temps d'examiner si les produits revendiqués de part et d'autre sont identiques ou similaires.

En l'espèce, la marque attaquée est enregistrée pour des "Montres", soit pour des produits également couverts par l'enregistrement de la marque opposante, de sorte qu'il convient, à l'instar de l'autorité inférieure, de retenir l'identité - au demeurant non contestée - des produits offerts par les marques en présence.

4.
Ceci étant, il convient, dans un deuxième temps, d'examiner si les signes en présence sont similaires.

La similarité entre deux signes est déterminée par l'impression d'ensemble laissée au public (cf. ATF 128 III 441 consid. 3.1 Appenzeller). Dès lors que le consommateur, en général, ne verra ni n'entendra les deux signes simultanément et que celui des deux qu'il voit ou entend s'oppose dans sa mémoire à l'image plus ou moins effacée de l'autre vu auparavant, il convient d'examiner les caractéristiques susceptibles de subsister dans sa mémoire moyennement fidèle ou moyennement défaillante (cf. ATF 121 III 377 consid. 2a Boss ; Eugen Marbach, in : Roland von Büren/Lucas David [éd.], Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol. III/1, Markenrecht, 2e éd., Bâle 2009, No 864). Cette impression d'ensemble sera principalement influencée par les éléments dominants d'une marque ; il s'agit en général des éléments les plus distinctifs (cf. arrêt du TAF B-2380/2010 du 7 décembre 2011 consid. 7.1.1 lawfinder/LexFind.ch [fig.]). Cependant, les éléments d'une marque qui sont faibles ou qui appartiennent au domaine public ne doivent pas être purement et simplement exclus de l'examen de la similarité des signes. En effet, de tels éléments peuvent, eux aussi, influencer l'impression d'ensemble d'une marque (cf. arrêt du TAF B-38/2011 du 29 avril 2011 consid. 7.1.2 IKB/ICB [fig.], IKB/ICB et IKB/ICB BANKING GROUP). Il convient, dès lors, de prendre en considération et de pondérer chacun des éléments selon son influence respective sur l'impression d'ensemble, sans cependant les dissocier et décomposer le signe (cf. arrêt du TAF B-7442/2006 du 18 mai 2007 consid. 4 FEEL 'N LEARN/SEE 'N LEARN ; Joller, op. cit., N° 122 ss ad art. 3).

4.1 Pour déterminer, comme c'est le cas en l'espèce, si deux marques verbales se ressemblent au sens de l'art. 3 al. 1 let. c LPM, il y a lieu de prendre en compte leur effet auditif, leur représentation graphique et leur contenu sémantique (cf. ATF 127 III 160 consid. 2b/cc Securitas, 121 III 377 consid. 2b Boss). La similarité des marques doit en principe déjà être admise lorsque des similitudes se manifestent sur la base de l'un de ces trois critères (cf. Marbach, op. cit., No 875 ; David, op. cit., No 17 ad art. 3). La sonorité découle en particulier du nombre de syllabes, ainsi que de la cadence et de la succession des voyelles, tandis que l'image de la marque dépend de la longueur du mot et des particularités des lettres employées. Le début du mot et sa racine, de même que sa terminaison, surtout lorsqu'elle reçoit une accentuation, suscitent plus l'attention que les syllabes intermédiaires non accentuées (cf. ATF 127 III 160 consid. 2b/cc Securitas, 122 III 382 consid. 5a Kamillosan). Une similarité visuelle ou auditive peut être compensée par un sens clairement différent ; une telle compensation n'est cependant possible que lorsqu'une association immédiate et évidente se fait avec un terme précis (cf. arrêt du TAF B-7460/2006 du 6 juillet 2007 consid. 6 Adia/Aida Jobs, Aida Personal).

4.2 En l'occurrence, les marques en présence sont des marques purement verbales. Il s'agit d'une part, de "SPEEDMASTER" et, d'autre part, de "SPEEDPILOT".

Retranscrits dans une typographie plus ou moins usuelle et de longueur pratiquement identique, les signes en cause concordent sur leur première syllabe, "SPEED". Les deux dernières syllabes de chaque marque se distinguent en revanche visuellement, dès lors que seule la lettre "T" s'y retrouve mais pas à la même place.

D'un point de vue phonétique, le vocable "SPEED" se prononce de la même manière dans les deux marques, et ce quelque soit la région linguistique concernée. La fin desdits signes renvoie quant à elle une impression sonore totalement différente, notamment en raison d'une suite de voyelles distinctes.

Sous l'angle sémantique, il y a lieu d'observer que chaque signe consiste en une combinaison de deux mots anglais, soit "SPEED" et "MASTER" pour la marque opposante, et "SPEED" et "PILOT" pour la marque attaquée. Le terme "SPEED", qui appartient au vocabulaire de base anglais, signifie "vitesse" en français. Quant au mot "MASTER", il sera compris par le consommateur suisse comme signifiant "maître", et ce dans les trois régions linguistiques du pays ("Meister", "maître", "maestro") (cf. arrêt du TAF B-7204/2007 du 1er décembre 2008 consid. 7 STENCILMASTER et arrêt du Tribunal fédéral 4A.5/2004 du 25 novembre 2004 consid. 3.1 FIREMASTER) et le mot "PILOT", comme signifiant "pilote" ("Pilot", "pilote", "pilota"). Dès lors, et attendu que les combinaisons "SPEEDMASTER" et "SPEEDPILOT" n'existent pas en tant que telles dans la langue anglaise, le public cible les comprendra comme voulant dire "maître de vitesse" pour la première et "pilote de vitesse" pour la seconde.

La comparaison des signes en conflit fait ainsi apparaître que ceux-ci présentent une identité visuelle et phonétique sur la syllabe d'attaque - clairement perceptible - "SPEED", sans que le contenu sémantique des marques, prises dans leur ensemble, ne puisse pour autant compenser cette concordance ; l'idée de maîtrise de la vitesse se retrouvant dans les deux signes. Partant, il y a lieu d'admettre que les marques en présence sont similaires au sens de l'art. 3 al. 1 let. c LPM.

5.
En conséquence, il y a lieu d'examiner dans un troisième temps si, dans leur ensemble, les marques en présence risquent d'être confondues.

Pour ce faire, il s'agit tout d'abord de déterminer l'attention dont font preuve les destinataires des produits pour lesquels les marques sont enregistrées (cf. consid. 5.1) et l'étendue du champ de protection de la marque opposante (cf. consid. 5.2), avant d'examiner la question de l'existence ou non d'un risque de confusion (cf. consid. 5.3).

5.1 S'agissant de l'attention des consommateurs, il faut prendre en considération toutes les circonstances, en particulier la capacité de perception des destinataires et leur comportement effectif lorsqu'ils sont mis en situation concrète de se procurer le produit ou le service sur un certain marché. S'il s'agit de produits de consommation courante, on se fondera sur la capacité de souvenir du consommateur moyen. Si l'on est en présence de produits ou de services pour lesquels il est d'usage de faire preuve d'une attention accrue lors de leur acquisition, on devra en tenir compte et admettre moins facilement l'existence d'un risque de confusion. Si le public est composé de spécialistes dont on peut attendre une attention particulière lors de l'achat, on devra faire preuve de retenue avant d'admettre un risque de confusion (cf. arrêt du TAF B-6770/2007 du 9 juin 2008 consid. 7.2 Nasacort/Vasocor ; sic! 2002 163 consid. 6f Audi ; Ivan Cherpillod, Le droit suisse des marques, Lausanne 2007, p. 110 ; Marbach, op. cit., Nos 995 ss).

En l'espèce, les produits revendiqués par les marques en présence s'adressent au consommateur moyen - qui fait preuve d'un degré d'attention moyen. Toutefois, il sied de ne pas perdre de vue que certains de ces produits s'adressent plus particulièrement au spécialiste - qui fait preuve d'un degré d'attention accru (cf. arrêt du TAF B-5467/2011 du 20 février 2013 consid. 4.2 et réf. cit. Navitimer/Maritimer).

5.2 L'aire de protection d'une marque dépend de sa force distinctive. Elle est plus restreinte pour les marques faibles que pour les marques fortes et des différences plus modestes suffiront à créer une distinction suffisante. Sont en particulier faibles les marques dont les éléments essentiels sont banals ou dérivent d'indications descriptives utilisées dans le langage courant. Sont en revanche fortes les marques imaginatives ou ayant acquis une notoriété dans le commerce. Les marques fortes, résultant d'un acte créatif ou d'un patient travail pour s'imposer sur le marché, doivent bénéficier d'une protection élargie et accrue contre les signes similaires car elles sont spécialement exposées à des essais de rapprochement (cf. arrêt du TAF B 1618/2011 du 25 septembre 2012 consid. 5.2 Eiffel/Gustave Eiffel ; ATF 122 III 382 consid. 2a Kamillosan).

Pour juger si un signe est descriptif (et donc faible), il convient de déterminer la signification de chacun de ses éléments et d'examiner ensuite si leur combinaison donne un sens logique pouvant être compris par les milieux intéressés, sans effort intellectuel ou imaginatif particulier, comme une dénomination générique. Des associations d'idées ou des allusions qui n'ont qu'un rapport éloigné avec le produit ou le service concerné ne sont donc pas suffisantes pour admettre qu'une désignation est descriptive (cf. arrêt du TAF B-5467/2011 précité consid. 7.1.1 Navitimer/Maritimer).

Comme déjà dit, il est en l'occurrence possible de reconnaître les éléments "SPEED" et "MASTER" dans la marque opposante "SPEEDMASTER" (cf. consid. 4.2). Il s'agit dès lors d'examiner, dans un premier temps, la force distinctive de ces éléments pris isolément (cf. consid. 5.2.1 et 5.2.2) puis, dans un second temps, la force distinctive de la marque "SPEEDMASTER" considérée dans son ensemble (cf. consid. 5.2.3 et 5.2.4).

5.2.1

5.2.1.1 Dans une décision du 18 mai 2006, l'ancienne Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle CREPI avait déjà été amenée à se prononcer sur la sphère de protection de la marque opposante, dans une affaire l'opposant à la marque "SPEEDCHAMP". Elle avait ainsi retenu que le terme "SPEED" "n'est pas en tant que tel un élément faible au sens de la loi et de la jurisprudence sur les marques, en ce sens qu'il ne peut pas être considéré comme directement descriptif par rapport aux produits concernés du domaine horloger, et ceci malgré le fait qu'une montre puisse être utilisée comme moyen pour mesurer une valeur (temps) permettant, mais uniquement en combinaison avec un autre instrument de mesure pour déterminer une autre valeur (distance), de calculer une vitesse. Ainsi, on peut affirmer que le terme considéré ne peut pas réellement décrire la fonction d'une montre". Le terme "SPEED" "doit donc être considéré comme ayant une force distinctive normale, malgré un certain caractère allusif à la possibilité indirecte d'utiliser une montre dans le calcul d'une vitesse" (cf. sic! 2006, 582 consid. 5 SPEEDMASTER/SPEEDCHAMP [fig.]). Dans une décision - entrée en force - du 17 décembre 2008 statuant sur l'opposition formée par la marque "SPEEDMASTER" à l'enregistrement de la marque "Speed-R" (procédure d'opposition No 9709), l'autorité inférieure a ajouté, se référant à la décision de l'ancienne CREPI précitée, que "bien que certains produits horlogers puissent être utilisés dans le calcul de la vitesse (tachymètre par exemple), ils nécessitent généralement un complément ou une donnée extérieure pour ce calcul".

Dans la décision attaquée, l'autorité inférieure relève à cet égard que "des recherches montrent toutefois que certaines montres sont capables de mesurer, respectivement d'afficher la vitesse. Une fonction tachymètre est même programmée dans certaines montres digitales. Il est vrai néanmoins que la plupart de ces montres ne calcule pas la vitesse de manière directe. Toutefois, nombre de ces dernières ont au moins la possibilité de l'afficher, ce qui décrit ainsi d'une certaine manière une fonction de la montre. Par conséquent, le mot "SPEED" jouit certes d'un caractère distinctif en relation avec des montres mais celui-ci doit être qualifié tout au plus de faible".

5.2.1.2 La vitesse se calcule en divisant la distance parcourue par le temps de parcours. La vitesse résulte ainsi de la division de deux valeurs, lesquelles se mesurent à l'aide d'instruments (ou appareils) de mesure, de distance d'une part, et du temps d'autre part, tels une montre, une horloge ou encore un chronomètre. Outre l'appareil de mesure du temps, un instrument de mesure de distance est donc encore nécessaire pour calculer une vitesse.

Néanmoins, certaines montres - dotées d'un tachymètre - permettent de mesurer la vitesse. En horlogerie, on appelle "tachymètre" le cadran gradué permettant de déterminer une vitesse moyenne à partir du temps mis à parcourir une distance donnée sur certaines montres. Parfois, une fonction tachymètre est programmée dans certaines montres digitales, avec un affichage digital. Pour mesurer la vitesse avec un tachymètre, il suffit ainsi d'enclencher le chronographe à un certain marqueur de distance. Au marqueur de distance suivant, le point indiqué par l'aiguille des secondes sur le tachymètre correspond à la vitesse moyenne entre les deux marqueurs (en « distance entre les marqueurs » par heure) (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Tachym%C3%A8tre).

5.2.1.3 Sur le vu de ce qui précède, il convient d'admettre que certaines montres ont également pour fonction, hormis celle de mesurer le temps, de mesurer la vitesse. On peut certes admettre que le terme "SPEED" exprime un caractère allusif à ladite fonction. Ce n'est toutefois qu'au prix d'un certain effort de réflexion, après avoir notamment rattaché l'élément "SPEED" à la fonction tachymètre dont sont dotées certaines montres, que le consommateur pourra comprendre celui-ci comme descriptif d'une fonction dont est pourvue une partie des produits revendiqués par la marque opposante. Aussi, attendu que le lien entre le terme anglais "SPEED" et les produits de l'horlogerie n'est pas suffisamment évident pour qualifier celui-ci de faible, il sied en l'espèce de retenir, à l'instar de la jurisprudence précitée rendue par l'ancienne CREPI et l'autorité inférieure dans les causes "SPEEDMASTER/SPEEDCHAMP" et "SPEEDMASTER/Speed-R", que le terme "SPEED" revêt une force distinctive normale.

5.2.2 Quant au second terme anglais composant la marque opposante, "MASTER", il sera, comme exposé plus haut, immédiatement compris par le consommateur suisse comme signifiant "maître" (cf. consid. 4.2). Il compte en outre au nombre des mots constituant le vocabulaire de base anglais. L'expression "MASTER" est un mot-clé fréquemment utilisé dans la publicité pour vanter la qualité de marchandises ou de services. La désignation "Masters" est également familière pour une large partie du public en raison de sa couverture médiatique dans le domaine sportif (par ex. masters de tennis, de golf) (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A.5/2004 précité consid. 3.1 FIREMASTER; sic! 1998, 302 consid. 4 MASTERBANKING). Le terme "MASTER" est ainsi de nature à susciter immédiatement et sans effort d'imagination particulier auprès du public suisse moyen un rapprochement avec la qualité, voire l'excellence du produit ou du service offert (cf. ATF 129 III 225 consid. 5.2 MASTERPIECE ; arrêt du TAF B-7204/2007 précité consid. 8 STENCILMASTER). Or, les indications désignant la qualité du produit ou du service appartiennent au domaine public et sont exclues de la protection légale au sens de l'art. 2 let. a LPM (cf. ATF 129 III 225 consid. 5.2 MASTERPIECE).

5.2.3 Considérée dans son ensemble, la marque "SPEEDMASTER" ne laisse pas apparaître de manière absolument claire les éléments "SPEED" et "MASTER". Aucune marque visuelle (un espace ["SPEED MASTER"], un trait d'union ["SPEED-MASTER"] ou des majuscules ["SpeedMaster" ou "SpeedMASTER"]) ne les met en effet en évidence. A supposer toutefois que le consommateur isole les deux éléments "SPEED" et "MASTER", il sera susceptible d'y reconnaître l'idée de maître de vitesse (cf. consid. 4.2) mais sans toutefois pouvoir rattacher celle-ci, de manière évidente, à des produits de l'horlogerie, à savoir considérer celle-ci comme une indication sur une fonction desdits produits ou sur le cercle de leurs destinataires. Il convient dès lors de retenir que le caractère allusif de la marque "SPEEDMASTER" n'est pas perceptible de manière suffisamment directe pour en affaiblir la force distinctive en relation avec des produits de l'horlogerie. Partant, il convient de retenir que la marque opposante, prise dans son ensemble, revêt une force distinctive - originaire - normale.

5.2.4 La recourante fait valoir que la marque opposante est une marque connue bénéficiant d'un champ de protection élargi.

Dans sa décision précitée, l'ancienne CREPI indiquait que la marque "SPEEDMASTER" avait acquis une notoriété indéniable depuis des décennies, notamment depuis son usage par les cosmonautes américains sur la lune (cf. sic! 2006, 582 consid. 7 SPEEDMASTER/SPEEDCHAMP [fig.] ; cf. également Joller, op. cit., No 102 ad art. 3). De même, l'autorité inférieure, dans sa décision du 17 décembre 2008, relevait que la marque opposante était une marque "célébrissime" dans le domaine horloger (SPEEDMASTER/Speed-R). Le tribunal n'a en l'espèce aucun motif de s'écarter des constatations émises par la jurisprudence quant au caractère notoire de la marque opposante, de sorte qu'il convient de reconnaître à cette dernière un champ de protection élargi.

5.3 La comparaison des marques "SPEEDMASTER" et "SPEEDPILOT" fait apparaître une concordance visuelle, phonétique et sémantique des signes sur la syllabe d'attaque "SPEED". La terminaison des marques en conflit, formée par les mots "MASTER" pour la marque opposante et "PILOT" pour la marque attaquée, composée de deux syllabes, fait référence à des personnes, soit à un maître pour la première et à un pilote pour la seconde. Considérées dans leur ensemble, les marques en présence évoquent toutes deux l'idée de maîtrise de la vitesse (cf. consid. 4.2).

En conséquence, compte tenu de l'identité des produits, de la concordance des signes sur l'élément "SPEED", des contenus sémantiques proches des marques dans leur ensemble et du périmètre de protection élargi de la marque opposante, il y a lieu de retenir l'existence d'un risque de confusion, que même le degré d'attention accru dont sont susceptibles de faire preuve certains cercles spécialisés de consommateurs des produits concernés ne parvient pas à écarter.

6.
Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée viole le droit fédéral. Partant, le recours doit être admis, ladite décision annulée, à l'exception du ch. 3 de son dispositif prévoyant que la taxe d'opposition reste acquise à l'autorité inférieure, et l'opposition No 11'636 admise. L'enregistrement international No 1054009 "SPEEDPILOT" est ainsi refusé pour les produits de la classe 14.

7.
Les frais de procédure, comprenant l'émolument judiciaire et les débours, sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Aucun frais de procédure n'est toutefois mis à la charge des autorités inférieures ni des autorités fédérales recourantes et déboutées (art. 63 al. 2 PA). Il n'y a donc en l'occurrence pas lieu de percevoir des frais de procédure de l'autorité inférieure qui succombe à l'issue de la présente décision. L'émolument judiciaire est calculé en fonction de la valeur litigieuse, de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties et de leur situation financière (cf. art. 2 al. 1 1ère phrase et 4 FITAF). Dans les procédures de recours en matière d'opposition, il y a lieu d'évaluer l'intérêt de l'opposant à la radiation de la marque, respectivement l'intérêt du défendeur au maintien de la marque attaquée. Toutefois, le fait d'exiger dans chaque cas les preuves concrètes de ces dépenses irait trop loin et pourrait avoir un effet dissuasif par rapport aux frais relativement peu élevés de la procédure de première instance. Faute d'autres pièces pertinentes quant à la valeur litigieuse, l'ampleur du litige doit être fixée selon les valeurs empiriques, soit entre Fr. 50'000.- et Fr. 100'000.- (cf. en ce sens : ATF 133 III 490 consid. 3.3 et réf. cit.).

En l'espèce, les frais de procédure doivent être fixés à Fr. 4'000.- et mis à la charge de l'intimée qui succombe. L'avance de frais de Fr. 4'000.- versée par la recourante lui est restituée.

Un montant de Fr. 800.- (TVA comprise) doit en outre être alloué à la recourante, à titre de remboursement de la taxe d'opposition, et mis à la charge de l'intimée déboutée.

8.
L'autorité de recours peut allouer, d'office ou sur requête, à la partie ayant entièrement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (art. 64 al. 1 PA en relation avec l'art. 7 al. 1 FITAF). Les dépens comprennent les frais de représentation et les éventuels autres frais nécessaires de la partie (art. 8 FITAF). Les frais de représentation comprennent notamment les honoraires d'avocat (art. 9 al. 1 let. a FITAF), lesquels sont calculés en fonction du temps nécessaire à la défense de la partie représentée (art. 10 al. 1 FITAF). Le tarif horaire des avocats est de Fr. 200.- au moins et de Fr. 400.- au plus (art. 10 FITAF). Selon l'art. 14 al. 1 FITAF, les parties qui ont droit aux dépens doivent faire parvenir au tribunal, avant le prononcé de la décision, un décompte de leurs prestations. Le tribunal fixe les dépens sur la base du décompte (art. 14 al. 2 FITAF).

La recourante, qui obtient gain de cause et qui est représentée par une avocate, a droit à des dépens. Cette dernière a annexé au mémoire de recours une note de frais et honoraires d'un montant de Fr. 5'076.-. Or, il y a lieu d'admettre qu'en l'espèce, la mandataire de la recourante n'a pas été confrontée à des questions de fait ou de droit inhabituelles ou exceptionnellement ardues et n'a pas été amenée à étudier un dossier particulièrement volumineux. Le montant retenu par celle-ci paraît dès lors trop élevé. Aussi, en tenant compte du barème précité, il se justifie d'allouer à la recourante une indemnité équitable de Fr. 3'000.- (TVA comprise) à titre de dépens pour la procédure de recours, à laquelle s'ajoute un montant de Fr. 1'000.- (TVA comprise) à titre de dépens pour la procédure devant l'autorité inférieure, soit un total de Fr. 4'000.- mis à la charge de l'intimée.

9.
Le présent arrêt est définitif (cf. art. 73 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).


Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est admis. Partant, la décision de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle du 23 mai 2012 est annulée, à l'exception du ch. 3 de son dispositif, l'opposition No11'636 est admise et l'enregistrement international No 1054009 "SPEEDPILOT" est refusé pour les produits de la classe 14.

2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 4'000.-, sont mis à la charge de l'intimée. Ce montant devra être versé sur le compte du tribunal dans les trente jours suivant l'expédition du présent arrêt. L'avance de frais de Fr. 4'000.- versée par la recourante lui est restituée.

3.
Un montant de Fr. 800.- (TVA comprise), à titre de remboursement de la taxe d'opposition, ainsi qu'un montant global de Fr. 4'000.- (TVA comprise), à titre de dépens, soit au total Fr. 4'800.-, sont alloués à la recourante et mis à la charge de l'intimée.

4.
Le présent arrêt est adressé :

- à la recourante (recommandé ; annexes : formulaire "adresse de paiement" et annexes en retour)

- à l'intimée (recommandé ; annexe : bulletin de versement)

- à l'autorité inférieure (n° de réf. 11636 ; recommandé ; annexe : dossier en retour)

Le président du collège :
Claude Morvant

La greffière :
Muriel Tissot

Expédition : 11 mars 2013

Rechtsgebiete

Markenrecht