Erneute sachgrundlose Befristung von Arbeitsverträgen nach drei Monaten

Gericht

EuGH


Art der Entscheidung

Beschluss


Datum

12. 06. 2008


Aktenzeichen

C-364/07


Entscheidungsgründe

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 5, points 1 et 2, de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci‑après l’«accord‑cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), sur l’étendue de l’obligation d’interprétation conforme qui pèse sur les juridictions des États membres ainsi que sur le règlement, au niveau national, des litiges et des plaintes résultant de l’application de l’accord‑cadre.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Vassilakis et 22 autres salariés, les requérants au principal, à leur employeur, le Dimos Kerkyraion (municipalité de Corfou), le défendeur au principal, au sujet de la qualification des contrats de travail qui les liaient à ce dernier et du non‑renouvellement desdits contrats.


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE et vise, aux termes de son article 1er, «à mettre en œuvre l’accord‑cadre […], figurant en annexe, conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

Il ressort des troisième, sixième, septième, treizième à quinzième et dix‑septième considérants de ladite directive ainsi que des premier à troisième alinéas du préambule et des points 3, 5 à 8 et 10 des considérations générales de l’accord‑cadre que:

– la réalisation du marché intérieur doit conduire à une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs dans la Communauté européenne au moyen d’un rapprochement dans le progrès de ces conditions, notamment pour les formes de travail autres que le travail à durée indéterminée, afin d’atteindre un meilleur équilibre entre la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs;

– ces objectifs ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres, de sorte qu’il a été jugé approprié de recourir à une mesure communautaire juridiquement contraignante, élaborée en étroite collaboration avec les partenaires sociaux représentatifs;

– les parties à l’accord‑cadre reconnaissent que, d’une part, les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale des relations d’emploi, dès lors qu’ils contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de leurs performances, mais que, d’autre part, les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, aux besoins tant des employeurs que des travailleurs;

– l’accord‑cadre énonce les principes généraux et les prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, en établissant, notamment, un cadre général destiné à assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination ainsi qu’à prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail à durée déterminée successives, tout en renvoyant aux États membres et aux partenaires sociaux pour la définition des modalités détaillées d’application desdits principes et prescriptions, aux fins de prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières;

– c’est ainsi que le Conseil de l’Union européenne a considéré que l’acte approprié pour la mise en œuvre de cet accord‑cadre est une directive, dès lors qu’elle lie les États membres en ce qui concerne le résultat à atteindre, mais laisse à ceux‑ci le choix de la forme et des moyens;

– s’agissant plus particulièrement des termes employés dans l’accord‑cadre, qui n’y sont toutefois pas définis de manière spécifique, la directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de les préciser en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, à condition qu’ils respectent l’accord‑cadre, et

– selon les parties signataires de l’accord‑cadre, l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives constitue un moyen de prévenir les abus au détriment des travailleurs.

Aux termes de la clause 1 de l’accord‑cadre, celui‑ci:

«[…] a pour objet:

a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non‑discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

La clause 2 de l’accord‑cadre prévoit:

«1. Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

2. Les États membres, après consultation de partenaires sociaux, et/ou les partenaires sociaux peuvent prévoir que le présent accord ne s’applique pas:

a) aux relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage;

b) aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics.»

La clause 3 du même accord‑cadre est ainsi libellée:

«Aux termes du présent accord, on entend par:

1. ‘travailleur à durée déterminée’, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé;

2. ‘travailleur à durée indéterminée comparable’, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.»

La clause 5 de l’accord‑cadre énonce:

«1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a) sont considérés comme ‘successifs’;

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

La clause 8 de l’accord‑cadre dispose:

«1. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs que celles prévues dans le présent accord.

[…]

3. La mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord.

[…]

5. La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

[…]»

Aux termes de l’article 2, premier et deuxième alinéas, de la directive 1999/70:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Les États membres peuvent, si nécessaire, et après consultation des partenaires sociaux, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective, disposer au maximum d’une année supplémentaire. Ils informent immédiatement la Commission de ces circonstances.»

L’article 3 de la même directive énonce:

«La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.»

La réglementation nationale

Le gouvernement hellénique a informé la Commission qu’il entendait faire usage de la faculté, prévue à l’article 2, deuxième alinéa, de la directive 1999/70, de disposer d’un délai de transposition supplémentaire d’une année pour les besoins de l’adoption des mesures de mise en œuvre de cette directive, ce délai n’expirant dès lors, en raison de cette prorogation, que le 10 juillet 2002.

La première mesure de transposition de la directive 1999/70 dans l’ordre juridique hellénique, à savoir le décret présidentiel 81/2003, portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats de travail à durée déterminée (FEK A’ 77/2.4.2003), est entrée en vigueur le 2 avril 2003.

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du décret présidentiel 81/2003, celui‑ci s’appliquait aux travailleurs employés sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée.

L’article 5 du décret présidentiel 81/2003 disposait:

«1. Le renouvellement illimité des contrats à durée déterminée est licite lorsqu’il est justifié par une raison objective.

a) Il existe notamment une raison objective:

[…] Lorsque la conclusion ou la reconduction d’un contrat à durée déterminée est imposée par une disposition législative ou par un acte réglementaire.

[…]

3. Lorsque, sans que le justifie l’une des raisons mentionnées au paragraphe 1 du présent article, la durée totale de la succession de contrats ou de relations de travail à durée déterminée excède deux années, il y a lieu de présumer que ces contrats ou relations de travail visent à couvrir des besoins permanents et durables de l’entreprise ou de l’exploitation, de sorte qu’ils sont transformés en contrats ou relations de travail à durée indéterminée. […] En tout état de cause, la charge de la preuve incombe à l’employeur.

4. Il y a lieu de considérer comme ‘successifs’ les contrats ou relations de travail à durée déterminée conclus entre le même employeur et le même travailleur, aux mêmes conditions ou à des conditions analogues, lorsqu’ils ne sont pas séparés par une période supérieure à vingt jours ouvrables.»

Ce décret a été ensuite modifié par le décret présidentiel 180/2004 (FEK A’ 160/23.8.2004), qui est entré en vigueur le 23 août 2004.

L’article 2, paragraphe 1, du décret présidentiel 81/2003 a été remplacé par le texte suivant:

«Le présent décret présidentiel est applicable aux travailleurs salariés employés dans le secteur privé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail à durée déterminée […]»

À la suite de l’entrée en vigueur du décret présidentiel 180/2004, l’ancienne version de l’article 5 du décret présidentiel 81/2003 a été abrogée et le paragraphe 1 de cet article est désormais rédigé comme suit:

«La reconduction illimitée de contrats de travail à durée déterminée est licite lorsqu’elle est justifiée par une raison objective. Une telle raison objective existe notamment:

lorsque la reconduction est justifiée par la forme, la nature ou l’activité de l’employeur ou de l’entreprise ou par des raisons ou des impératifs spéciaux, dans la mesure où ces circonstances découlent directement ou indirectement du contrat concerné, par exemple en cas de remplacement temporaire de travail ou lorsque la durée limitée est liée à l’instruction ou à la formation, lorsque la reconduction du contrat a pour but de faciliter le passage du travailleur à un emploi analogue ou de réaliser des travaux ou un programme précis ou lorsqu’elle est liée à un évènement précis […]»

La seconde mesure de transposition de la directive 1999/70 dans l’ordre juridique hellénique est entrée en vigueur le 19 juillet 2004 avec le décret présidentiel 164/2004, portant dispositions concernant les travailleurs recrutés sur la base de contrats à durée déterminée dans le secteur public (FEK A´ 134/19.7.2004). Ce dernier a transposé la directive 1999/70 dans la législation hellénique applicable au personnel de l’État et du secteur public au sens large.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, dudit décret présidentiel:

«Les dispositions du présent décret sont applicables au personnel du secteur public […] ainsi qu’au personnel des entreprises communales et municipales employé sur la base d’un contrat ou d’une relation de travail salarié à durée déterminée ou sur la base d’un contrat d’entreprise ou de toute autre forme de contrat ou relation de travail qui dissimule un lien de subordination.»

L’article 5 du décret présidentiel 164/2004 est libellé comme suit:

«Contrats successifs

1. Sont interdits les contrats successifs conclus et exécutés entre le même employeur et le même travailleur, dans une spécialité professionnelle identique ou analogue et à des conditions de travail identiques ou analogues, à des intervalles inférieurs à trois mois.

2. À titre d’exception, la conclusion de ces contrats est licite lorsqu’elle est justifiée par une raison objective. Il y a raison objective lorsque les contrats suivant le contrat initial sont conclus pour répondre à des besoins particuliers du même type directement ou indirectement liés à la forme, à la nature ou à l’activité de l’entreprise.

[…]

4. Il ne doit en aucun cas y avoir plus de trois contrats successifs, sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l’article suivant.»

L’article 6 dudit décret dispose:

«1. Les contrats successifs conclus et exécutés entre le même employeur et le même travailleur, dans une spécialité professionnelle identique ou analogue et à des conditions de travail identiques ou analogues ne peuvent excéder une durée totale d’emploi de vingt‑quatre mois, qu’ils soient conclus en vertu de l’article précédent ou d’autres dispositions en vigueur.

2. Une durée totale d’emploi excédant les vingt‑quatre mois n’est autorisée que dans le cas de catégories de travailleurs spéciales quant à la nature de leur travail et visées par les dispositions en vigueur, telles celles des cadres de direction, des travailleurs recrutés dans le cadre de programmes spécifiques de recherche ou de programmes subventionnés ou financés, ainsi que des travailleurs recrutés pour une tâche exécutant des obligations découlant de conventions avec des organisations internationales.»

L’article 11 du décret présidentiel 164/2004 contient les dispositions transitoires suivantes:

«1. À condition d’avoir été conclus avant l’entrée en vigueur du présent décret et d’être encore applicables au moment de cette entrée en vigueur, les contrats successifs au sens de l’article 5, paragraphe 1, sont à partir de maintenant transformés en contrats de travail à durée indéterminée si les conditions cumulatives ci‑après sont remplies:

a) la durée totale des contrats successifs est égale à 24 mois au moins avant l’entrée en vigueur du présent décret, indépendamment du nombre de renouvellements, ou il existe 3 renouvellements au moins après le contrat initial au sens de l’article 5, paragraphe 1, [du présent décret] avec une durée totale d’emploi de 18 mois au moins dans une période de 24 mois à compter du contrat initial;

b) la durée totale d’emploi visée sous a) doit avoir été accomplie auprès de la même institution, en la même qualité ou en une qualité analogue, et aux mêmes conditions que dans le contrat de travail initial, ou à des conditions analogues à celles inscrites dans le contrat initial;

c) le contrat doit avoir pour objet des activités se rapportant directement et immédiatement à des besoins permanents et durables de l’institution en cause, tels que ces besoins sont définis par l’intérêt public dont cette institution a la charge;

d) la durée totale d’emploi au sens ci‑dessus doit avoir été accomplie en régime de temps complet ou de temps partiel et les tâches effectuées doivent avoir été identiques ou analogues à celles indiquées dans le contrat initial. Les contrats de travail à temps partiel successifs constituent, au regard du présent paragraphe, des contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel dans les conditions inscrites dans le contrat initial.

2. Afin de voir constater que sont remplies les conditions du paragraphe précédent, le travailleur adresse à l’organisme compétent, dans un délai impératif de deux mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, une demande énumérant les éléments attestant des conditions précitées. L’avis motivé, appréciant, dans chaque cas, si les conditions du paragraphe précédent sont remplies, appartient au conseil des promotions ou à l’organe équivalent et, à défaut, au conseil d’administration ou à l’organe de direction – ou à l’organe équivalent en vertu des dispositions en vigueur – de la personne morale concernée. S’agissant d’entreprises municipales ou communales, l’organe compétent est nécessairement le conseil municipal ou communal de la collectivité territoriale concernée, lequel statue sur proposition du conseil d’administration ou de l’organe de direction de l’entreprise. L’organe compétent susmentionné apprécie par ailleurs si les contrats d’ouvrage ou les autres contrats et rapports dissimulent en fait un rapport de subordination. L’avis dudit organe compétent doit être rendu au plus tard cinq mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret.

3. Les avis, positifs ou négatifs, rendus conformément au paragraphe 2 par les organes compétents sont immédiatement transmis au Conseil supérieur de sélection du personnel [Anotato Symvoulio Epilogis Prosopikou, ci‑après, l’’ASEP’], lequel statue dans les trois mois à compter de leur réception.

4. Sont soumis aux dispositions du présent article les travailleurs du secteur public […] ainsi que les travailleurs des entreprises municipales […].

5. Sont également soumis aux dispositions du paragraphe 1 du présent article les contrats ayant expiré au cours des trois mois ayant précédé l’entrée en vigueur du présent décret; ces contrats sont réputés être des contrats successifs restés applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du présent décret. La condition visée au paragraphe 1, sous a), du présent article doit être remplie à la date d’expiration du contrat.

[…]»

L’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920 (FEK B’ 11/18.3.1920), relative à la résiliation obligatoire du contrat de travail des employés du secteur privé, dispose:

«Les dispositions de la présente loi sont aussi applicables aux contrats de travail à durée déterminée, si cette durée n’est pas justifiée par la nature du contrat, mais a été intentionnellement fixée dans le but de contourner les dispositions de la présente loi qui sont relatives à la résiliation obligatoire du contrat de travail.»

Selon les observations soumises à la Cour par les requérants au principal, cette loi s’applique à des contrats de travail de droit privé qu’ils aient été conclus dans le secteur privé ou dans le secteur public.

L’article 21 de la loi 2190/1994, portant création d’une autorité indépendante chargée de sélectionner le personnel et de régler les questions administratives (FEK A’ 28/3.3.1994), dispose:

«1. Les services publics et les personnes morales […] peuvent employer du personnel sur la base d’un contrat de travail de droit privé à durée déterminée pour faire face à des besoins saisonniers ou à d’autres besoins périodiques ou temporaires, dans les conditions et selon la procédure prévue ci‑après.

2. La durée d’emploi du personnel visé au paragraphe 1 ne peut excéder huit mois au cours d’une période totale de douze mois. Lorsque du personnel est recruté temporairement pour faire face, selon les dispositions en vigueur, à des besoins urgents, à cause d’absences du personnel ou d’emplois vacants, la durée d’emploi ne peut excéder quatre mois pour la même personne. La prorogation d’un contrat ou la conclusion d’un contrat nouveau pendant la même année ainsi que la transformation en contrat à durée indéterminée sont nulles.»

Conformément à l’article 101a de la Constitution de la République hellénique et aux articles 1er à 6 de la loi 3051/2002, l’ASEP est une autorité administrative nationale chargée de la sélection des fonctionnaires par l’intermédiaire d’un examen spécial, de la réalisation d’épreuves écrites pour le recrutement des professeurs du secteur public et du contrôle des organes du secteur public en ce qui concerne la sélection de personnel permanent ou saisonnier.

L’article 103 de la Constitution de la République hellénique est libellé comme suit:

«[…]

2. Nul ne peut être nommé dans un emploi statutaire qui n’est pas prévu par la loi. Des dérogations peuvent être prévues par une loi spécifique, afin de couvrir des besoins imprévus et urgents par du personnel qui n’est pas recruté pour une durée déterminée en vertu d’une relation de droit privé.

[…]

8. La loi définit les conditions et la durée des relations de travail de droit privé avec l’État et le secteur public au sens large, tel que celui‑ci est défini dans chaque cas, afin de couvrir des besoins soit temporaires soit imprévus et urgents au sens du paragraphe 2, deuxième alinéa. La loi définit également les fonctions que le personnel visé à l’alinéa précédent peut exercer. Il est interdit de titulariser du personnel soumis au premier alinéa ou de transformer les contrats en contrats à durée indéterminée. Les interdictions visées au présent paragraphe s’appliquent également aux personnes employées dans le cadre d’un contrat de travaux.»

L’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique est entré en vigueur le 17 avril 2001, à savoir après l’entrée en vigueur de la directive 1999/70, mais avant l’expiration tant du délai normal de transposition de cette directive, à savoir le 10 juillet 2001, que du délai supplémentaire prévu à l’article 2, deuxième alinéa, de ladite directive, à savoir le 10 juillet 2002.


Le litige au principal et les questions préjudicielles

Il ressort de la décision de renvoi que les requérants au principal ont conclu, à différentes dates, avec le Dimos Kerkyraion, qui en tant qu’entité de l’administration locale relève, selon le droit hellénique, du secteur public, des contrats de travail de droit privé à durée déterminée, qualifiés de «contrats d’ouvrages».

La décision de renvoi ne contient pas d’information relative à la nature du travail effectué par les requérants au principal en vertu desdits contrats ni aux dates de conclusion de ces derniers.

Toutefois, selon les observations soumises par le Dimos Kerkyraion, lesdits requérants ont été embauchés par cette municipalité entre 1994 et 1996 afin d’exécuter diverses tâches, notamment d’entretien et de réparation. Il ressort également de ces observations que, si chaque contrat à durée déterminée, qui avait d’ailleurs toujours le même objet, devait prendre fin une fois la tâche exécutée, lesdits contrats ont été continuellement renouvelés de sorte que chacun des requérants au principal peut être considéré comme n’ayant, en fait, jamais cessé de travailler pour cette municipalité, et ce depuis son recrutement.

Lesdits requérants affirment alors que leurs contrats successifs à durée déterminée sont devenus des contrats à durée indéterminée, couvrant des besoins permanents et durables du Dimos Kerkyraion. Ils ont, à cet égard, demandé à leur employeur de reconsidérer en ce sens la nature de leurs relations de travail. Ils font valoir que celui‑ci refuse de requalifier leurs contrats de travail successifs au motif que les ouvrages pour la réalisation desquels ils ont été employés seraient terminés et que la durée convenue desdits contrats se serait écoulée.

En conséquence, devant le refus du Dimos Kerkyraion, ils ont saisi les juridictions grecques, dès le 26 avril 2004, d’une demande de requalification de leurs contrats de travail sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, interprété à la lumière des clauses de l’accord-cadre figurant en annexe de la directive 1999/70.

À la suite de l’entrée en vigueur du décret présidentiel 164/2004, lequel prévoit, à son article 11, une procédure de requalification des contrats de travail successifs à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, sous réserve du respect de certaines conditions cumulatives, les requérants ont demandé que leurs contrats soient transformés selon cette nouvelle procédure.

Selon les observations du Dimos Kerkyraion, le comité administratif compétent du département de Corfou a estimé, par décision du 25 novembre 2004, que les travailleurs qui l’avaient saisi remplissaient les conditions pour l’application de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, et donc pour la transformation de leurs contrats en contrats à durée indéterminée.

Cet avis positif a été, conformément à l’article 11, paragraphe 3, dudit décret présidentiel, immédiatement transmis à l’ASEP.

Cette dernière autorité a, en revanche, conclu que les conditions de requalification des contrats, posées par l’article 11 du décret présidentiel 164/2004, n’étaient pas remplies, dès lors que «depuis [leur] conclusion initiale en 1996 et en 1997, il n’y a eu aucune reconduction».

Les requérants au principal ont alors introduit un recours contre la décision de rejet de l’ASEP devant les juridictions administratives. La demande d’annulation qu’ils ont déposée n’a pas encore été examinée et il n’est pas certain, selon eux, qu’elle sera déclarée fondée.

C’est dans ces conditions que le Monomeles Protodikeio Kerkyras (tribunal de grande instance à juge unique de Corfou) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Le juge national doit‑il interpréter son droit national – autant que possible – à la lumière de la directive, laquelle a été transposée hors délai en droit interne,

a) à partir de la date d’entrée en vigueur de la directive?

b) à partir de la date à laquelle le délai de transposition a expiré sans que celle‑ci n’ait été opérée? ou

c) à partir de la date d’entrée en vigueur de la mesure nationale de transposition?

2) La clause 5, [point] 1, de l’[accord‑cadre], partie intégrante de la directive 1999/70 […] implique‑t‑elle que – outre les raisons tenant à la nature, l’activité ou les caractéristiques du travail ou d’autres raisons similaires – le seul fait que la conclusion du contrat de travail à durée déterminée est prescrite par une disposition législative ou réglementaire constitue une raison objective justifiant le renouvellement ou la signature de contrats de travail successifs à durée déterminée?

3) La clause 5, [points] 1 et 2, de l’[accord‑cadre] , partie intégrante de la directive 1999/70 […] peut‑elle être interprétée en ce sens que les dispositions nationales en vertu desquelles les contrats ou les relations de travail à durée indéterminée ne sont considérés comme successifs que s’ils ne sont pas séparés par des intervalles de plus de trois mois, ainsi que la présomption en faveur du travailleur que ces dispositions introduisent afin que des contrats ou des relations de travail à durée déterminée successifs soient reconnus comme des contrats à durée indéterminée, [reposent] nécessairement sur cette condition?

4) L’interdiction par la disposition nationale de l’article 21 de la loi 2190/1994 de convertir en contrats à durée indéterminée les contrats de travail à durée déterminée – qui sont certes conclus pour une durée déterminée en vue de couvrir des besoins exceptionnels ou saisonniers de l’employeur, mais qui visent en fait à couvrir des besoins permanents et durables – est‑elle compatible avec le principe de l’effet utile du droit communautaire et avec l’objectif de la clause 5, [points] 1 et 2, ensemble la clause 1 de l’[accord‑cadre], partie intégrante de la directive 1999/70 […]?

5) Le fait que, en vertu d’une disposition nationale, adoptée en application de la directive 1999/70, une autorité administrative indépendante [l’ASEP] est compétente en dernier recours pour juger si les contrats à durée déterminée peuvent être convertis en contrats à durée indéterminée est‑il compatible avec le principe de l’effet utile du droit communautaire et avec l’objectif de la clause 5, [points] 1 et 2, ensemble la clause 1 de l’[accord‑cadre], partie intégrante de la directive 1999/70 […]?»


Sur la recevabilité de la demande préjudicielle

Sans pour autant soulever explicitement une exception d’irrecevabilité, la République hellénique et l’Irlande ont souligné le manque de précision, dans la décision de renvoi, de l’exposé des antécédents du litige au principal. Ils observent que ne sont indiquées ni la date à laquelle les requérants ont commencé à être employés sous contrats à durée déterminée ni celle de l’expiration de ces mêmes contrats. Dans ces circonstances, le lien réel entre les questions préjudicielles et les faits à l’origine du litige au principal n’apparaîtrait pas clairement.

À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions préjudicielles posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, point 41, ainsi que du 23 novembre 2006, Asnef‑Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 15).

Toutefois, dans des hypothèses exceptionnelles, il appartient à la Cour d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. En effet, l’esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l’administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 42, ainsi que Asnef‑Equifax et Administración del Estado, point 16).

À cet égard, le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique ou que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Asnef‑Equifax et Administración del Estado, précité, point 17).

En l’espèce, il est vrai que la décision de renvoi ne précise ni la date de prise d’effet ni la durée des différents contrats à durée déterminée en cause au principal. En outre, il semble ressortir de certaines observations soumises à la Cour que, si deux des requérants ont été recrutés pour la première fois en 1999, la plupart de ceux-ci ont été recrutés par le Dimos Kerkyraion, pour la première fois, entre 1994 et 1996, à savoir avant l’entrée en vigueur, voire avant l’adoption de la directive 1999/70.

Il ressort, toutefois, des observations soumises à la Cour tant par le Dimos Kerkyraion que par les requérants au principal que ceux‑ci ont été employés par cette municipalité en vertu de contrats et de relations de travail à durée déterminée successifs, de manière ininterrompue, et ce depuis leur recrutement initial. La plupart des renouvellements de ces contrats semblent donc postérieurs à la date à laquelle la directive 1999/70 devait être transposée dans le droit national.

Dans ces circonstances, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation de la directive 1999/70 demandée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige dont est saisie la juridiction de renvoi, lequel n’est à l’évidence pas de nature hypothétique, ou que ladite interprétation est dépourvue de toute pertinence pour la solution des litiges dont la juridiction de renvoi est saisie. En outre, la Cour possède des informations suffisantes pour lui permettre de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi.

Certes, il incombe toujours à la juridiction de renvoi de vérifier, pour chaque contrat à durée déterminée successif en cause au principal, s’il porte sur la période antérieure ou postérieure à l’entrée en vigueur, dans la République hellénique, de la directive 1999/70.

Il y a également lieu de rappeler, eu égard au manque de précisions de la décision de renvoi concernant la réglementation nationale applicable, qu’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer quel est celui des décrets présidentiels 81/2003, 164/2004 ou 180/2004 qui trouve à s’appliquer à la situation des requérants au principal.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient toutefois de considérer que la demande de décision préjudicielle est recevable.


Sur les questions préjudicielles

Conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

Il y a lieu de faire application de ladite disposition procédurale dans la présente affaire.

Sur la première question

Par sa première question, la juridiction de renvoi vise à déterminer, dans l’hypothèse de la transposition tardive dans l’ordre juridique de l’État membre concerné d’une directive ainsi que de l’absence d’effet direct des dispositions pertinentes de celle‑ci, à partir de quel moment les juridictions nationales sont tenues d’interpréter les règles du droit interne d’une façon conforme à ces dispositions. La juridiction de renvoi se demande dans ce contexte, plus particulièrement, si une telle obligation d’interprétation conforme existe à partir de la date de publication au Journal officiel des Communautés européennes de la directive en cause, et qui correspond à la date de son entrée en vigueur à l’égard des États membres destinataires, ou à compter de celle de l’expiration du délai de transposition de la directive ou encore de celle de l’entrée en vigueur des dispositions nationales de mise en œuvre de cette dernière.

Ainsi que la Cour l’a déjà indiqué au point 48 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, une réponse à une question identique ayant déjà été fournie aux points 106 à 124 de celui-ci, cette question relative à la portée de l’obligation d’interprétation conforme n’est utile que pour autant que la réponse donnée par la Cour à l’une ou plusieurs des autres questions posées est susceptible de conduire la juridiction de renvoi à examiner la conformité d’une norme de droit interne avec les exigences du droit communautaire.

Dès lors que, en raison des réponses fournies par la Cour aux autres questions posées en l’espèce, la juridiction de renvoi pourrait être obligée d’effectuer un tel examen, et pour faciliter la compréhension de certains aspects desdites réponses, il convient en l’espèce d’examiner d’abord la première question.

En appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle‑ci et, partant, se conformer à l’article 249, troisième alinéa, CE (voir, notamment, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 113 et jurisprudence citée, ainsi que Adeneler e.a., précité, point 108). Cette obligation d’interprétation conforme concerne l’ensemble des dispositions du droit national, tant antérieures que postérieures à la directive dont il s’agit (voir, notamment, arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C‑106/89, Rec. p. I‑4135, point 8, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 115).

L’exigence d’une interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité CE en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit communautaire lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (voir, notamment, arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 114).

Certes, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, et notamment dans ceux de sécurité juridique et de non‑rétroactivité, et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, Rec. p. I‑5285, points 44 et 47).

Le principe d’interprétation conforme requiert néanmoins que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui‑ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle‑ci (voir arrêt Pfeiffer e.a., précité, points 115, 116, 118 et 119).

Par ailleurs, pour le cas où le résultat prescrit par une directive ne pourrait être atteint par voie d’interprétation, il convient de rappeler que, selon l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, Rec. p. I‑5357, point 39), le droit communautaire impose aux États membres de réparer les dommages qu’ils ont causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition d’une directive pour autant que trois conditions soient remplies. Tout d’abord, la directive en cause doit avoir pour objectif l’attribution de droits à des particuliers. Le contenu de ces droits doit, ensuite, pouvoir être identifié sur la base des dispositions de ladite directive. Enfin, il doit y avoir un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État membre et le dommage subi (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C‑91/92, Rec. p. I‑3325, point 27).

En vue de déterminer plus précisément à partir de quelle date il incombe aux juridictions nationales de faire application du principe d’interprétation conforme, il y a lieu de souligner que cette obligation, découlant des articles 10, second alinéa, CE et 249, troisième alinéa, CE ainsi que de la directive concernée elle‑même, a été imposée notamment en cas d’absence d’effet direct d’une disposition d’une directive, soit que la disposition pertinente n’est pas suffisamment claire, précise et inconditionnelle pour produire un tel effet, soit que le litige oppose exclusivement des particuliers (arrêt Adeneler e.a., précité, point 113).

Il convient d’ajouter que, avant l’expiration du délai de transposition d’une directive, il ne saurait être fait grief aux États membres de ne pas encore avoir adopté les mesures de mise en œuvre de celle‑ci dans leur ordre juridique (voir arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 43, et Adeneler e.a., précité, point 114).

Il s’ensuit que, en cas de transposition tardive d’une directive, l’obligation générale, qui incombe aux juridictions nationales, d’interpréter le droit interne d’une manière conforme à la directive n’existe qu’à partir de l’expiration du délai de transposition de celle‑ci.

Il découle nécessairement de ce qui précède que, dans l’hypothèse d’une transposition tardive d’une directive, la date − envisagée par la juridiction de renvoi dans sa première question, sous c) − à laquelle les mesures nationales de transposition entrent effectivement en vigueur dans l’État membre concerné ne constitue pas le critère pertinent. En effet, une telle solution serait de nature à remettre gravement en cause la pleine efficacité du droit communautaire ainsi que l’application uniforme de ce droit par la voie, notamment, des directives (arrêt Adeneler e.a., précité, point 116).

Par ailleurs, eu égard à la date envisagée dans la première question, sous a), et en vue de statuer de façon complète sur celle‑ci, il convient de préciser qu’il ressort déjà de la jurisprudence de la Cour que l’obligation pour les États membres de prendre, au titre des articles 10, second alinéa, CE et 249, troisième alinéa, CE ainsi que de la directive concernée elle‑même, toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par cette dernière s’impose à l’ensemble des autorités nationales, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (voir, notamment, arrêts précités Inter‑Environnement Wallonie, point 40, Pfeiffer e.a., point 110 et jurisprudence citée, ainsi que Adeneler e.a., point 117).

En outre, conformément à l’article 254, paragraphe 1, CE, les directives sont soit publiées au Journal officiel de l’Union européenne et, dans ce cas, elles entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication, soit notifiées à leurs destinataires et prennent alors effet par cette notification, conformément au paragraphe 3 dudit article (arrêt Adeneler e.a., précité, point 118).

Il résulte de ce qui précède qu’une directive produit des effets juridiques à l’égard de l’État membre destinataire − et, partant, de toutes les autorités nationales −, selon le cas, à la suite de sa publication ou dès la date de sa notification (arrêt Adeneler e.a., précité, point 119).

En l’occurrence, la directive 1999/70 précise, à son article 3, qu’elle entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, soit le 10 juillet 1999.

Or, selon la jurisprudence de la Cour, il résulte de l’application combinée tant des articles 10, second alinéa, CE et 249, troisième alinéa, CE que de la directive concernée elle‑même que, pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle‑ci doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (arrêts Inter‑Environnement Wallonie, précité, point 45; du 8 mai 2003, ATRAL, C‑14/02, Rec. p. I‑4431, point 58, et du 22 novembre 2005, Mangold, C‑144/04, Rec. p. I‑9981, point 67). Il importe peu, à cet égard, que la disposition en cause du droit national, adoptée après l’entrée en vigueur de la directive concernée, vise ou non la transposition de cette dernière (arrêts précités ATRAL, point 59; Mangold, point 68, ainsi que Adeneler e.a., point 121).

Étant donné que toutes les autorités des États membres sont soumises à l’obligation de garantir le plein effet des dispositions du droit communautaire (voir arrêts Francovich e.a., précité, point 32; du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz, C‑453/00, Rec. p. I‑837, point 20, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 111), l’obligation d’abstention telle qu’énoncée au point précédent s’impose tout autant aux juridictions nationales.

Il s’ensuit que, dès la date à laquelle une directive est entrée en vigueur, les juridictions des États membres doivent s’abstenir dans la mesure du possible d’interpréter le droit interne d’une manière qui risquerait de compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition, la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive (arrêt Adeneler e.a., précité, point 123).

Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que, dans l’hypothèse de la transposition tardive dans l’ordre juridique de l’État membre concerné d’une directive ainsi que de l’absence d’effet direct des dispositions pertinentes de celle‑ci, les juridictions nationales sont tenues, dans toute la mesure du possible, d’interpréter le droit interne, à partir de l’expiration du délai de transposition, à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause aux fins d’atteindre les résultats poursuivis par cette dernière, en privilégiant l’interprétation des règles nationales la plus conforme à cette finalité pour aboutir ainsi à une solution compatible avec les dispositions de ladite directive.

Sur la deuxième question

Cette question porte sur l’interprétation de la notion de «raisons objectives» qui, selon la clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre, justifient le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi demande plus particulièrement si, à l’instar d’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, la seule circonstance que la conclusion d’un contrat à durée déterminée est imposée par une disposition législative ou réglementaire d’un État membre est susceptible de constituer une telle raison objective.

Selon la décision de renvoi, il ressort de l’article 5, paragraphe 1, du décret présidentiel 81/2003 que constitue un objectif permettant le renouvellement illimité de contrats de travail à durée déterminée le cas de figure où la durée limitée du contrat est prescrite par une disposition législative ou réglementaire.

Toutefois, selon les informations fournies par le gouvernement hellénique lors de la procédure écrite, le décret présidentiel 81/2003 ne s’applique qu’au secteur privé. Cela ressortirait clairement de l’article 1er du décret présidentiel 180/2004. En outre, à la suite de l’abrogation, par le décret présidentiel 180/2004, de l’article 5, paragraphe 1, du décret présidentiel 81/2003, selon lequel le renouvellement illimité des contrats à durée déterminée était licite lorsqu’il était imposé par une disposition législative ou réglementaire, ces dispositions constituant alors une raison objective de renouvellement, la deuxième question préjudicielle aurait perdu toute pertinence, puisque le décret présidentiel 180/2004 donne désormais à la notion de «raison objective» justifiant la reconduction successive de ces contrats une définition tout à fait différente de celle contenue dans le décret 81/2003, qui reste pourtant visée par la décision de renvoi. Le gouvernement hellénique souligne que la mise en conformité du droit grec relatif au personnel du secteur public avec la directive 1999/70 a été réalisée par le décret présidentiel 164/2004, lequel ne contient aucune disposition qualifiant le fait que la conclusion soit imposée par la loi de raison objective justifiant la reconduction des contrats à durée déterminée successifs.

À cet égard, il convient d’abord de rappeler qu’il ressort du point 49 de la présente ordonnance, qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier lesquelles des dispositions du droit national sont applicables dans l’affaire au principal, eu égard notamment au secteur dans lequel les requérants ont été employés et aux dates des contrats à durée déterminée en cause, afin de déterminer si la notion de «raison objective», telle qu’elle est entendue dans la deuxième question préjudicielle, trouve, dans les circonstances de l’affaire au principal, à s’appliquer.

Dès lors, si l’ordre juridique hellénique contient une règle telle que celle qui fait l’objet de la deuxième question, il convient de rappeler qu’une réponse à une question identique a déjà été fournie par la Cour aux points 58 à 75 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, et que d’autres éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent des arrêts du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino (C‑53/04, Rec. p. I‑7213); Vassallo (C‑180/04, Rec. p. I‑7251), ainsi que du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, non encore publié au Recueil).

Selon cette jurisprudence, la directive 1999/70 et l’accord‑cadre ne sont pas limités aux contrats à durée déterminée conclus par les travailleurs avec des employeurs du seul secteur privé mais ont vocation à s’appliquer également aux contrats et relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et autres entités du secteur public (voir, notamment, arrêts précités Adeneler e.a., points 54 à 57; Marrosu et Sardino, points 39 à 42, ainsi que Vassallo, points 32 et 33).

Il ressort également de cette jurisprudence que la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre impose aux États membres, dans le but de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, d’adopter l’une ou plusieurs des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de mesures légales équivalentes. Les mesures ainsi énumérées, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou relations de travail successifs et au nombre de renouvellement de ceux‑ci (arrêt Impact, précité, point 69).

Étant donné que la notion de «raisons objectives» n’est pas définie par l’accord‑cadre, la Cour a déjà relevé que son sens et sa portée doivent être déterminés en fonction de l’objectif poursuivi par celui‑ci ainsi que du contexte dans lequel s’insère ladite clause 5, point 1, sous a) (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 60).

En ce qui concerne l’objectif prescrit par la directive 1999/70 et par l’accord‑cadre, ce dernier part, ainsi qu’il ressort des points 6 et 8 de ses considérations générales, de la prémisse selon laquelle les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, tout en reconnaissant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir arrêts précités Adeneler e.a., point 61, ainsi que Impact, point 86).

En conséquence, le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs (voir arrêt Mangold, précité, point 64), alors que, ainsi qu’il ressort du deuxième alinéa du préambule de l’accord‑cadre et du point 8 des considérations générales de celui‑ci, ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (arrêts précités Adeneler e.a., point 62, ainsi que Impact, point 87)

Dans cette optique, l’accord‑cadre vise à encadrer le recours successif à cette dernière catégorie de relations de travail, considérée comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (arrêts précités Adeneler e.a., point 63, ainsi que Impact, point 88).

Ainsi, la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre tend spécifiquement à «prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs» (arrêt Adeneler e.a., précité, point 64).

Les parties signataires de l’accord‑cadre ont, en effet, considéré que l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus (voir point 7 des considérations générales de l’accord‑cadre) (arrêt Adeneler e.a., précité, point 67).

Il est vrai que l’accord‑cadre renvoie aux États membres ainsi qu’aux partenaires sociaux pour la définition des modalités détaillées d’application des principes et des prescriptions qu’il énonce, aux fins de garantir leur conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales et d’assurer que soient dûment prises en compte les particularités des situations concrètes (voir point 10 des considérations générales de l’accord‑cadre). Si les États membres bénéficient ainsi d’une marge d’appréciation en la matière, il n’en demeure pas moins qu’ils sont tenus de garantir le résultat imposé par le droit communautaire, ainsi que cela résulte non seulement de l’article 249, troisième alinéa, CE, mais également de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, lu à la lumière du dix‑septième considérant de celle‑ci (arrêt Adeneler e.a., précité, point 68).

Dans ces circonstances, la notion de «raisons objectives», au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre, doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs (arrêt Adeneler e.a., précité, point 69).

Ces circonstances peuvent résulter notamment de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles‑ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 70).

En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences telles que précisées aux deux points précédents (arrêt Adeneler e.a., précité, point 71).

En effet, une telle disposition, de nature purement formelle et qui ne justifie pas de manière spécifique l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs par l’existence de facteurs objectifs tenant aux particularités de l’activité concernée et aux conditions de son exercice, comporte un risque réel d’entraîner un recours abusif à ce type de contrats et n’est, dès lors, pas compatible avec l’objectif et l’effet utile de l’accord‑cadre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 72).

Ainsi, le fait d’admettre qu’une disposition nationale puisse, de plein droit et sans autre précision, justifier des contrats de travail à durée déterminée successifs reviendrait à méconnaître la finalité de l’accord‑cadre, qui est de protéger les travailleurs contre l’instabilité de l’emploi, et à vider de sa substance le principe selon lequel les contrats à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail (arrêt Adeneler e.a., précité, point 73).

Plus particulièrement, le recours à des contrats de travail à durée déterminée sur le seul fondement d’une disposition légale ou réglementaire générale, sans rapport avec le contenu concret de l’activité considérée, ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents aux fins de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable et est apte à atteindre l’objectif poursuivi et nécessaire à cet effet (arrêt Adeneler e.a., précité, point 74).

En conséquence, il y a lieu de répondre à la deuxième question que la clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire générale d’un État membre. Au contraire, la notion de «raisons objectives», au sens de ladite clause, requiert que le recours à ce type particulier de relations de travail, tel que prévu par la réglementation nationale, soit justifié par l’existence d’éléments concrets tenant notamment à l’activité en cause et aux conditions de son exercice.

Sur la troisième question

Cette question concerne en substance la condition, énoncée par une disposition du droit national, selon laquelle des contrats de travail à durée déterminée ne peuvent être considérés comme successifs que pour autant qu’ils ne sont pas séparés par un laps de temps supérieur à trois mois.

Si la décision de renvoi mentionne, dans ses motifs et à l’égard de cette condition, les dispositions du décret présidentiel 81/2003, les observations soumises à la Cour lors de la procédure écrite semblent indiquer que, s’agissant du secteur public, une telle condition ressort de l’article 5, paragraphe 1, du décret présidentiel 164/2004.

En outre, les requérants au principal font valoir que la pertinence de cette question ne ressort pas clairement de la décision de renvoi, dès lors que, dans le litige au principal, ils se fondent non pas sur les dispositions du décret présidentiel 164/2004, mais sur celles de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920.

Ainsi qu’il ressort du point 49 de la présente ordonnance, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier lesquelles des dispositions de droit national sont applicables au litige au principal et, notamment, laquelle disposition de droit interne vise cette condition relative à un laps de temps de trois mois.

Sous réserve de cette obligation de vérification incombant au juge national et compte tenu du fait que les requérants au principal ont introduit deux recours distincts en vue de faire valoir les droits qui découlent de la directive 1999/70, un de ces recours ayant été introduit devant les juridictions administratives en vertu du décret présidentiel 164/2004, une réponse à la troisième question n’apparaît pas dépourvue de toute pertinence pour la solution du litige dont la juridiction de renvoi est saisie.

Par sa troisième question, ladite juridiction demande plus particulièrement si une telle définition du caractère successif des relations d’emploi liant le même employeur et le même travailleur, caractérisées par des conditions de travail identiques ou similaires, n’est pas de nature à remettre en cause l’objectif et l’effet utile de l’accord‑cadre, dès lors surtout que la condition mentionnée au point 95 de la présente ordonnance constitue un préalable nécessaire pour que ce travailleur puisse bénéficier, en application du droit national, de la transformation en contrat à durée indéterminée de ses relations de travail à durée déterminée, renouvelées plus de trois fois sur une période excédant au total deux ans.

Il convient de rappeler qu’une réponse à une question identique concernant, toutefois, un laps de temps plus court de 20 jours ouvrables, a déjà été fournie par la Cour aux points 76 à 89 de l’arrêt Adeneler e.a., précité.

Il découle de cette jurisprudence, comme cela ressort des points 80 et 85 de la présente ordonnance ainsi que des clauses 1, sous b), et 5, point 1, de l’accord‑cadre, que celui-ci a pour objet d’établir un cadre destiné à prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

À cet effet, l’accord‑cadre énumère, en particulier à sa clause 5, point 1, sous a) à c), différentes mesures destinées à prévenir lesdits abus, les États membres étant tenus d’introduire au moins l’une de ces mesures dans leur réglementation nationale (arrêt Adeneler e.a., précité, point 80).

Pour le surplus, le point 2 de ladite clause laisse en principe aux États membres le soin de déterminer quelles sont les conditions auxquelles les contrats ou relations de travail à durée déterminée sont considérés, d’une part, comme successifs et, d’autre part, comme conclus pour une durée indéterminée (arrêt Adeneler e.a., précité, point 81).

Si un tel renvoi aux autorités nationales pour les besoins de la définition des modalités concrètes d’application des termes «successifs» et «à durée indéterminée» au sens de l’accord‑cadre s’explique par le souci de préserver la diversité des réglementations nationales en la matière, il importe cependant de rappeler que la marge d’appréciation ainsi laissée aux États membres n’est pas sans limites, puisqu’elle ne saurait en aucun cas aller jusqu’à remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord‑cadre. En particulier, ce pouvoir d’appréciation ne doit pas être exercé par les autorités nationales d’une manière telle qu’il conduirait à une situation susceptible de donner lieu à des abus et ainsi de contrarier ledit objectif (arrêt Adeneler e.a., précité, point 82).

Une telle interprétation s’impose tout particulièrement s’agissant d’une notion clé, telle que celle du caractère successif des rapports de travail, qui est déterminante pour la définition du champ d’application même des dispositions nationales destinées à mettre en œuvre l’accord‑cadre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 83).

La Cour a relevé, au point 84 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, qu’une disposition nationale qui considère comme successifs les seuls contrats de travail à durée déterminée qui sont séparés par un laps de temps inférieur ou égal à 20 jours ouvrables doit être considérée comme étant de nature à compromettre l’objet, la finalité ainsi que l’effet utile de l’accord‑cadre.

Selon la Cour, une définition aussi rigide et restrictive du caractère successif de plusieurs contrats de travail subséquents permettrait d’employer des travailleurs de façon précaire pendant des années, puisque, dans la pratique, le travailleur n’aurait le plus souvent pas d’autre choix que d’accepter des interruptions de l’ordre de 20 jours ouvrables dans le cadre d’une chaîne de contrats le liant à son employeur (arrêt Adeneler e.a., précité, point 85).

En outre, au point 86 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, la Cour a constaté qu’une réglementation nationale, qui ne considère comme successifs que les contrats de travail à durée déterminée séparés par un laps de temps inférieur ou égal à 20 jours ouvrables, risque d’avoir pour effet non seulement d’exclure en fait un grand nombre de relations de travail à durée déterminée du bénéfice de la protection des travailleurs recherchée par la directive 1999/70 et l’accord‑cadre, en vidant l’objectif poursuivi par ceux‑ci d’une grande partie de leur substance, mais également de permettre l’utilisation abusive de telles relations par les employeurs.

Elle a constaté que, en vertu d’une telle réglementation, il suffirait à l’employeur de laisser courir, au terme de chaque contrat de travail à durée déterminée, un délai de 21 jours ouvrables seulement avant de conclure un autre contrat de même nature pour faire automatiquement échec à la transformation des contrats successifs en une relation d’emploi plus stable, et cela indépendamment tant du nombre d’années pendant lesquelles le travailleur concerné a été engagé pour le même emploi que de la circonstance que lesdits contrats couvrent des besoins non pas d’une durée limitée, mais au contraire «permanents et durables» (arrêt Adeneler e.a., précité, point 88).

Dans ces conditions, la Cour a jugé que la clause 5 de l’accord‑cadre s’oppose à une réglementation nationale qui ne considère comme successifs que les contrats de travail à durée déterminée séparés par un laps de temps inférieur ou égal à 20 jours ouvrables, dès lors que la protection des travailleurs contre l’utilisation abusive des contrats ou des relations de travail à durée déterminée, qui constitue la finalité de la clause 5 de l’accord‑cadre, se trouve remise en cause (voir arrêt Adeneler e.a., précité, points 88 et 89).

Eu égard à l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre retenue par la Cour dans l’arrêt Adeneler e.a., précité, il convient de relever qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, considérant comme successifs les seuls contrats de travail à durée déterminée séparés par un laps de temps inférieur ou égal à trois mois, n’est pas, en principe, de nature à compromettre par elle-même l’objet, la finalité ainsi que l’effet utile de l’accord‑cadre.

En effet, ainsi que la Commission l’a souligné, ce n’est pas la fixation, en tant que critère de qualification des contrats à durée déterminée successifs, d’un laps de temps déterminé intervenant entre deux contrats que la Cour a jugé comme étant contraire à la finalité de la directive 1999/70.

Ainsi qu’il ressort du point 108 de la présente ordonnance, la disposition en cause dans l’arrêt Adeneler e.a., précité, a été jugée contraire à l’accord‑cadre notamment en raison de la rigidité et de la nature restrictive de la définition du caractère successif des contrats, compte tenu de la période excessivement courte prévue entre ces derniers.

En revanche, une exigence telle que celle en cause dans l’affaire au principal, qui ne reconnaît comme ayant un caractère «successif» que les contrats à durée déterminée séparés par des périodes de moins de trois mois, n’apparaît pas comme étant, en tant que telle, aussi rigide et de nature aussi restrictive. Ainsi que la Commission l’a fait valoir, un laps de temps de trois mois peut être, en général, considéré comme suffisant pour interrompre toute relation de travail existante et, en conséquence, faire en sorte que tout contrat éventuel signé ultérieurement ne soit pas considéré comme étant successif. Il apparaît, en effet, difficile, pour un employeur ayant des besoins permanents et durables, de contourner la protection accordée par l’accord‑cadre contre les abus en laissant courir, au terme de chaque contrat de travail à durée déterminée, un délai d’environ 72 jours ouvrables.

Toutefois, il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, chargées de la mise en œuvre des mesures de transposition de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre et ainsi appelées à se prononcer sur la qualification de contrats à durée déterminée successifs, d’examiner, dans chaque cas, toutes les circonstances de la cause, en prenant en considération, notamment, le nombre desdits contrats successifs conclus avec la même personne ou aux fins de l’accomplissement d’un même travail, afin d’exclure que des relations de travail à durée déterminée soient utilisées de façon abusive par les employeurs.

Au vu des développements qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que la clause 5 de l’accord‑cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que celle qui fait l’objet de la troisième question préjudicielle, en vertu de laquelle seuls les contrats ou relations de travail à durée déterminée qui sont séparés par un laps de temps inférieur à trois mois peuvent être regardés comme ayant un caractère «successif» au sens de ladite clause.

Sur la quatrième question

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’accord‑cadre doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à l’application d’une réglementation nationale qui interdit, dans le secteur public, de transformer en contrat à durée indéterminée une succession de contrats de travail à durée déterminée qui ont, en fait, eu pour objet de couvrir des «besoins permanents et durables» de l’employeur.

Si la quatrième question se réfère à l’article 21 de la loi 2190/1994, les requérants et le Dimos Kerkyraion font valoir qu’une interdiction absolue de toute conversion est également prévue par l’article 103, paragraphe 8, de la Constitution de la République hellénique.

Quelle que soit la nature des dispositions de droit hellénique interdisant la transformation de contrats à durée déterminée successifs en contrats à durée indéterminée, il convient d’observer que cette question est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué (arrêt Adeneler e.a, précité, points 91 à 105) et que d’autres éléments utiles permettant de répondre à cette question ressortent de deux autres arrêts (arrêts précités Marrosu et Sardino, points 44 à 57, ainsi que Vassallo, points 33 à 42).

Il ressort de cette jurisprudence que, dès lors que la clause 5 de l’accord‑cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir la transformation en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée, pas plus qu’elle ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers (arrêt Adeneler e.a., précité, point 91), elle laisse un certain pouvoir d’appréciation en la matière aux États membres (arrêt Marrosu et Sardino, précité, point 47).

Il s’ensuit que ladite disposition de l’accord‑cadre ne s’oppose pas, en tant que telle, à ce qu’un État membre réserve un sort différent à l’abus de recours à des contrats ou des relations de travail à durée déterminée successifs selon que lesdits contrats ou relations ont été conclus avec un employeur appartenant au secteur privé ou un employeur relevant du secteur public (arrêts précités Marrosu et Sardino, point 48, ainsi que Vassallo, point 33).

Toutefois, afin qu’une réglementation nationale qui interdit d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats à durée déterminée qui, en fait, ont eu pour objet de couvrir des «besoins permanents et durables» de l’employeur puisse être considérée comme conforme à l’accord‑cadre, l’ordre juridique interne de l’État membre concerné doit comporter, dans ledit secteur, une autre mesure effective pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats à durée déterminée successifs (voir, en ce sens, arrêts précités Adeneler e.a., point 105; Marrosu et Sardino, point 49, ainsi que Vassallo, point 34).

Il convient de rappeler, ainsi que cela ressort des points 80 et 103 de la présente ordonnance, que la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre impose aux États membres l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures énumérées à cette disposition et visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (arrêts précités Marrosu et Sardino, point 50, ainsi que Vassallo, point 35).

En outre, lorsque, comme en l’occurrence, le droit communautaire ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures appropriées pour faire face à une telle situation, mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord‑cadre (arrêts précités Adeneler e.a., point 94; Marrosu et Sardino, point 51, ainsi que Vassallo, point 36).

Si les modalités de mise en œuvre de telles normes relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, elles ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C‑312/93, Rec. p. I‑4599, point 12; Adeneler e.a., précité, point 95; Marrosu et Sardino, précité, point 52, ainsi que Vassallo, précité, point 37 ).

Il s’ensuit que, lorsqu’un recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment cet abus et effacer les conséquences de la violation du droit communautaire. En effet, selon les termes mêmes de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres doivent «prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par [ladite] directive» (arrêts précités Adeneler e.a., point 102; Marrosu et Sardino, point 53, ainsi que Vassallo, point 38).

La réglementation nationale en cause dans les affaires précitées Marrosu et Sardino ainsi que Vassallo prévoyait des règles impératives, relatives à la durée et au renouvellement des contrats à durée déterminée, ainsi que le droit à réparation du dommage subi par le travailleur du fait du recours abusif par l’administration publique à des contrats ou des relations de travail à durée déterminée successifs. Si la Cour a laissé à la juridiction de renvoi le soin d’apprécier, dans ces affaires, dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre de cette réglementation en font une mesure adéquate aux fins de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre, elle a néanmoins indiqué que, à première vue, ladite réglementation semblait satisfaire aux exigences rappelées aux points 125 à 127 de la présente ordonnance.

S’agissant plus précisément du cadre dans lequel la quatrième question a été posée, il importe de souligner d’abord que, en ce qui concerne le secteur public, l’article 21, paragraphe 2, de la loi 2190/1994 semble interdire, de manière absolue et sous peine de nullité, toute requalification en contrats à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée visés au paragraphe 1 dudit article.

Ensuite, il ressort de la décision de renvoi que, dans la pratique, l’article 21 de la loi 2190/1994 risque d’être détourné de son objet en ce que, au lieu d’être limité, conformément au libellé de cette disposition, à servir de fondement à la conclusion de contrats à durée déterminée destinés à faire face aux seuls besoins temporaires des services publics et des personnes morales appartenant au secteur public, il semble qu’il soit utilisé pour conclure des contrats à durée déterminée visant en fait à couvrir des «besoins permanents et durables» de ces mêmes entités. Aussi la juridiction de renvoi, dans les motifs de sa décision, a‑t‑elle d’ores et déjà constaté le caractère abusif, au sens de l’accord‑cadre, du recours, dans l’affaire au principal, audit article 21 pour servir de base à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée qui ont, en réalité, pour objet de répondre à des «besoins permanents et durables». Cette juridiction se borne donc à demander si, dans une telle hypothèse, l’interdiction générale édictée par ladite disposition de transformer en contrats à durée indéterminée de tels contrats à durée déterminée ne porte pas atteinte à l’objectif et à l’effet utile de l’accord‑cadre.

Le gouvernement hellénique maintient que les articles 5 à 7 du décret présidentiel 164/2004 constituent des mesures efficaces contre l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée. Les articles 5 et 6 dudit décret auraient transposé toutes les mesures de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre et l’article 7 du même décret aurait prévu de sévères sanctions pénales, disciplinaires et financières pour l’employeur qui enfreindrait la loi ainsi qu’une indemnisation totale du travailleur.

En revanche, le Dimos Kerkyraion soutient qu’il n’existait et n’existe aucune autre mesure efficace allant dans le sens de la protection des travailleurs employés à durée déterminée contre l’abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. Cette municipalité estime également que les mesures de réparation prévues par la réglementation hellénique ne sont pas, en tout état de cause, adéquates ou efficaces pour protéger les travailleurs et pour prévenir les abus dont ils sont victimes. Ces mesures, mises en œuvre par le décret présidentiel 164/2004, disposeraient que le travailleur à durée déterminée qui a été victime d’un tel abus se voie verser les salaires dus et une indemnité, dont le montant est bien moins important que celui qui était prévu par le droit grec antérieur à la directive 1999/70 et audit décret présidentiel, conformément aux dispositions du code civil relatives à l’enrichissement sans cause.

Les requérants au principal font valoir, en revanche, que ce type d’abus peut être sanctionné sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. Toutefois, ces derniers observent que si l’Areios Pagos (Cour de cassation), dans son arrêt 18/2006, a d’abord considéré qu’il était permis, en vertu de cette disposition, de requalifier des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et que celle–ci constituait une mesure légale équivalente visant à prévenir les abus au sens de la clause 5, point 1, de l’accord‑cadre, elle a ensuite radicalement renversé cette jurisprudence dans des arrêts 19/2007 et 20/2007, rendus publics après l’audience publique dans l’affaire au principal.

À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi ou, le cas échéant, aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les exigences rappelées aux points 125 à 127 de la présente ordonnance sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale applicable (voir arrêt Vassallo, précité, point 39).

Il incombe donc à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive par l’administration publique de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (voir arrêt Vassallo, précité, point 41).

À cet égard, cette juridiction est donc tenue, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée aux points 56 à 59 de la présente ordonnance, d’interpréter le droit national conformément au texte et à la finalité de la directive en cause. En vertu de cette obligation, qui concerne l’ensemble des dispositions du droit national, tant antérieures que postérieures à la directive 1999/70, il incombe donc aux juridictions nationales, saisies des litiges tels que celui au principal, qui relèvent du domaine d’application de la directive 1999/70, lorsqu’elles appliquent les dispositions du droit national destinées spécialement à transposer cette directive, de les interpréter dans toute la mesure du possible d’une manière telle qu’elles puissent recevoir une application conforme aux objectifs de celle‑ci (voir, en ce sens, arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 117).

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’accord‑cadre doit être interprété en ce sens que, pour autant que l’ordre juridique interne de l’État membre concerné ne semble pas comporter, dans le secteur considéré, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats à durée déterminée successifs­, il fait obstacle à l’application d’une règle de droit national interdisant d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des «besoins permanents et durables» de l’employeur, doivent être considérés comme abusifs. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, conformément à l’obligation d’interprétation conforme lui incombant, de vérifier si son ordre juridique interne ne comporte pas de telles autres mesures effectives.

Sur la cinquième question

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande s’il est compatible avec le principe de l’effet utile du droit communautaire et avec l’objectif des clauses 1 et 5, paragraphes 1 et 2, de l’accord‑cadre que, en vertu d’une disposition nationale adoptée en application de la directive 1999/70, une autorité administrative indépendante telle que, dans l’affaire au principal, l’ASEP soit compétente pour juger de la requalification éventuelle de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.

Le gouvernement hellénique estime que cette question repose sur une prémisse erronée. Les dispositions du décret présidentiel 164/2004 prévoyant la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et la procédure à suivre à cet effet, y compris la décision prise, le cas échéant par l’ASEP, seraient des dispositions transitoires de l’article 11 dudit décret. Il s’agirait de dispositions tout à fait exceptionnelles et provisoires qui ont pour seul but de réglementer les situations nées du retard de la transposition, par la République hellénique, de la directive 1999/70. Compte tenu notamment de son caractère transitoire et du fait qu’elle vise à transposer cette directive dans sa totalité, cette procédure serait parfaitement efficace et proportionnée et ne contreviendrait à aucune disposition de l’accord‑cadre.

En vertu de la clause 8, point 5, de l’accord‑cadre, la prévention et la réglementation des litiges et des plaintes, résultant de l’application dudit accord, sont traitées conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (arrêt Impact, précité, point 44 et jurisprudence citée).

Ainsi qu’il ressort des points 125 et 126 de la présente ordonnance, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures appropriées pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord‑cadre. Les modalités de mises en œuvre de ces normes, qui relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale nationale, doivent être conformes aux principes d’équivalence et d’effectivité.

Il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi, laquelle doit, en l’occurrence, déterminer si les exigences rappelées au point précédent sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale pertinente. Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son appréciation (arrêt Marrosu et Sardino, précité, point 54).

Une réglementation nationale, telle que celle qui fait l’objet de la cinquième question, prévoyant qu’une autorité administrative indépendante, telle l’ASEP, est compétente pour requalifier éventuellement des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée semble, à première vue, satisfaire aux exigences rappelées aux points 125 à 127 de la présente ordonnance.

En effet, selon les observations de la Commission, l’ASEP est une autorité administrative indépendante dotée d’un statut et d’une organisation particulière, distincte du gouvernement et présentant des garanties de compétence et d’indépendance permettant de déterminer si les conditions de l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 sont réunies. En outre, il ressort du dossier que les actes de l’ASEP, pris en application dudit article 11, sont des actes administratifs exécutoires donnant lieu à des recours en annulation relevant du contrôle du Conseil d’État et des juridictions administratives, conformément à l’article 95 de la Constitution de la République hellénique et à la loi 702/1977, telle qu’en vigueur à la suite de l’adoption de la loi 2944/2001.

Dans l’affaire au principal, toutefois, tant le Dimos Kerkyraion que les requérants soulèvent des problèmes relatifs au fonctionnement de la procédure mise en place par l’article 11 du décret présidentiel 164/2004 portant sur les recours devant l’ASEP.

Les requérants au principal font ainsi valoir que, avant la décision de rejet de l’ASEP, ils avaient déjà introduit des recours devant les juridictions civiles en ce qui concerne l’application à leur égard de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920. À la suite de cette décision de l’ASEP, ils auraient également introduit un recours en annulation devant les juridictions administratives. Les conséquences de ces deux recours seraient toutefois différentes. Alors que les juridictions civiles sont compétentes pour trancher un litige sur la base de l’article 8, paragraphe 3, de la loi 2112/1920, en tenant compte du décret présidentiel 164/2004, les requérants constatent que les juridictions administratives, statuant en vertu des dispositions dudit décret, ne peuvent pas prendre en considération celles de la loi 2112/1920. En outre, ils font valoir que les juridictions administratives ne peuvent qu’annuler un acte ou une omission administrative illégale, tandis que les juridictions civiles peuvent considérer des contrats de travail à durée déterminée comme des contrats à durée indéterminée et également obliger un employeur à embaucher un travailleur sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Pour sa part, le Dimos Kerkyraion souligne, d’une part, que le délai de trois mois prévu pour la prise de décision par l’ASEP est irréaliste, compte tenu du fait que l’ASEP devait examiner des dizaines de milliers de demandes de travailleurs qui remplissaient les conditions, du moins temporelles, posées à l’article 11 du décret présidentiel 164/2004. D’autre part, cette municipalité soutient que l’implication de l’ASEP dans la procédure a provoqué une confusion, dans la jurisprudence grecque, en ce qui concerne l’ordre juridictionnel compétent pour trancher les litiges touchant à la protection des travailleurs contre l’abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. Pour la première fois, les juridictions civiles se seraient vues contester leur compétence sur des litiges touchant à ces questions.

Toutefois, il incombe à la juridiction de renvoi, et non pas à la Cour, de vérifier que l’État membre en question a pris toutes les dispositions nécessaires lui permettant, d’une part, d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la directive 1999/70 et, d’autre part, de prévoir que les modalités de mise en œuvre des normes prises en application de l’accord‑cadre, qui relèvent de son ordre juridique interne en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, assurent la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence (voir, notamment, arrêts du 19 juin 2003, Eribrand, C‑467/01, Rec. p. I‑6471, points 61 et 62; du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, points 37 et suivants, ainsi que Impact, précité, points 43 et suivants).

Dans ces conditions, il convient de répondre à la cinquième question que le principe de l’effet utile du droit communautaire et l’accord‑cadre ne s’opposent pas, en principe, à une disposition nationale selon laquelle une autorité administrative indépendante est compétente pour requalifier éventuellement des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de veiller à la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence.


Sur les dépens

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1) Dans l’hypothèse de la transposition tardive dans l’ordre juridique de l’État membre concerné d’une directive ainsi que de l’absence d’effet direct des dispositions pertinentes de celle‑ci, les juridictions nationales sont tenues, dans toute la mesure du possible, d’interpréter le droit interne, à partir de l’expiration du délai de transposition, à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause aux fins d’atteindre les résultats poursuivis par cette dernière, en privilégiant l’interprétation des règles nationales la plus conforme à cette finalité pour aboutir ainsi à une solution compatible avec les dispositions de ladite directive.

2) La clause 5, point 1, sous a), de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire générale d’un État membre. Au contraire, la notion de «raisons objectives», au sens de ladite clause, requiert que le recours à ce type particulier de relations de travail, tel que prévu par la réglementation nationale, soit justifié par l’existence d’éléments concrets tenant notamment à l’activité en cause et aux conditions de son exercice.

3) La clause 5 de l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale, telle que celle qui fait l’objet de la troisième question préjudicielle, en vertu de laquelle seuls les contrats ou relations de travail à durée déterminée qui sont séparés par un laps de temps inférieur à trois mois peuvent être regardés comme ayant un caractère «successif» au sens de ladite clause.

4) Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprété en ce sens que, pour autant que l’ordre juridique interne de l’État membre concerné ne semble pas comporter, dans le secteur considéré, d’autres mesures effectives pour éviter et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats à durée déterminée successifs, il fait obstacle à l’application d’une règle de droit national interdisant d’une façon absolue, dans le seul secteur public, de transformer en un contrat de travail à durée indéterminée une succession de contrats à durée déterminée qui, ayant eu pour objet de couvrir des «besoins permanents et durables» de l’employeur, doivent être considérés comme abusifs. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, conformément à l’obligation d’interprétation conforme lui incombant, de vérifier si son ordre juridique interne ne comporte pas de telles autres mesures effectives.

5) Le principe de l’effet utile du droit communautaire et l’accord‑cadre sur le travail à durée déterminée ne s’opposent pas, en principe, à une disposition nationale selon laquelle une autorité administrative indépendante est compétente pour requalifier éventuellement des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de veiller à la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.

Rechtsgebiete

Arbeitsrecht